Trois cents adhérents à la recherche du « temps perdu »

De péripéties en rebondissements, la longue épopée de quelque trois cents adhérents à la recherche du « temps perdu »… (et des sous perdus)

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Ils et elles ont été prêtres, religieux, religieuses, membres de communautés. L’heure de la retraite approchant, ils ont fait leurs comptes et réalisé avec angoisse que leur pension serait faite de peau de chagrin : les relevés de situation qu’ils recevaient étaient pleins de trous béants, faits de temps de séminaire, de postulat ou noviciat, de missions à l’étranger ; les sommes que leur attribuait l’autorité ecclésiastique (dans sa grande mansuétude ?) allaient diminuendo ; ils étaient condamnés à travailler jusqu’au bout de leurs forces. Cela faisait déjà près de trente ans que ça durait – depuis la création de la caisse des cultes – et ça râlait sec !

Et, un beau jour de 2004, Jean Doussal eut une idée de génie en relisant la loi de 1978 qui est à l’origine de cette caisse : en fait, elle avait joué sur les mots (elle et très douée pour ça).

L’ancêtre de la Cavimac, la Camavic se disait : Voyons, voyons : la loi dit que tout ministre du culte ou membre de congrégation ou collectivité doit… être affilié à la caisse ? Vraiment ? Mais qu’est-ce que c’est, un « ministre du culte » ? un « membre de congrégation » ? une « collectivité religieuse ». D’abord, ce dernier truc, ça ne concerne pas le culte catholique – donc on laisse tomber. « Ministre du culte », ça c’est sérieux, mais pas avant la tonsure ! « Membre de congrégation » ? A partir de quand est-on membre ? Oh ! pas avant de s’être engagé, d’avoir prononcé des vœux.

C’est ainsi que, en 1989, la Camavic a pondu un règlement intérieur qu’elle a imposé à tous les diocèses et toutes les congrégations, rayant ainsi les séminaristes, les postulants, les novices, les membres de collectivités religieuses de tout droit à retraite pour ces périodes de vie. Ce qui signifie, grosso modo, de trois à dix ans de vie religieuse sans droits (ce qui a tout de même posé question à certaines communautés, confrontées à la maladie de leurs « non membres »…).

La toute première question posée aux tribunaux fut : qu’est-ce qu’un « membre » de congrégation ? Et la réponse commença à émerger à Vannes en 2005, le TASS (tribunal des affaires de sécurité sociale) allant consulter le Larousse : « est membre une « personne faisant partie d’un ensemble organisé ». Et le TASS de dire que la Cavimac ne peut se prévaloir de « notions purement religieuses » pour repousser l’ouverture du droit à pension à la date des « premiers vœux ».

Les premières procédures, de TASS en appel, aboutirent en 2009 devant la Cour de cassation, qui avalisa le jugement de Vannes. Et quelques trois cents personnes se sont depuis engouffrées dans la porte ouverte, ce qui a eu pour effet de l’agrandir progressivement à d’autres situations.

Cela dure depuis bientôt vingt ans – et ce n’est pas fini.

J’essaye de retracer, pas à pas, la chronologie de toutes ces procédures, souvent judiciaires mais parfois amiables, dans un texte que j’espère lisible

Christiane Paurd