Les prêtres obligés de travailler pour vivre ?
« Les prêtres obligés de travailler pour vivre ? » — On y arrive !
Le 17 novembre 2024, le Nouvel Obs rééditait, en l’actualisant sur son site internet, un article datant de 1974: « à la question sur la nécessité pour les prêtres de travailler en dehors de leur sacerdoce, que posait il y a un demi-siècle notre hebdomadaire, la réponse est restée négative. Exposant les finances et propriétés de l’Église catholique en France, Claude-François Jullien concluait : ‘Quelques évêques reconnaissent qu’un jour ou l’autre il faudra bien que les prêtres travaillent pour se nourrir, et ils ne le regrettent pas' » (1). Au milieu des années 1970 des évêques approuvaient cette perspective, d’autres y étaient opposés… mais aujourd’hui la question est réfléchie en lien avec la Mission de France (2) car cette perspective de prêtres diocésains au travail, fait désormais partie des solutions financières pouvant s’imposer. Quelles évolutions des finances expliquent les déficits et quelles conséquences pour les prêtres ?
L’ensemble des recettes continuent à décroitre
Le denier de l’Église est normalement affecté aux traitements des prêtres et aux salaires des laïcs dans les diocèses de France. Dans le cadre de ce dossier, il est important d’en mesurer l’évolution : est-ce que les fidèles accordent leur priorité à cette ressource ? La Conférence des évêques constate : de 2021 à 2022 « le denier de l’Église stricto sensu a baissé de 10 M€, soit - 4,6 %, corrélée à la baisse continue du nombre de donateurs (- 6,4 % en 2022 après - 7,5 % en 2021). » En 2023, « le denier stricto sensu baisse en revanche de 1.2% »
Il en résulte :
- Le « denier stricto sensu » en euros courants s’est effrité de 2015 à 2023 (Tableau 2) : mis à part l’année 2020, la baisse s’est accélérée de 2021 à 2023.
- Quant aux donateurs, la chute a été constante et sans rémission, sauf l’exception de 2020, où du fait des églises fermées (covid obligeant), des donateurs avaient compensé les quêtes, en se reportant vers le denier de l’Église.
- De 1 million 330 mille en 2011, ils sont 781 000 en 2023, soit une perte de 549000 donateurs.
Dans le même temps, les autres recettes, quêtes, casuel, offrandes de messe sont en érosion constante de 2011 à 2023.
Quelles conséquences pour l’avenir ?
La première conséquence est du côté des laïcs salariés : leurs « missions » ne sont pas renouvelées, et leurs activités sont confiées à des bénévoles, à qui le diocèse fait signer des « chartes de bénévolat ». À propos de ces salariés et dans le cadre du billet consacré au sujet de ces laïcs en mission ecclésiale (3) François apporte ce témoignage : « Mon épouse, par exemple a été LEME à temps partiel, dans le diocèse de Paris, mais elle recevait un salaire (très faible, bien sûr) et à ce titre elle émargeait au régime général ». C’était aussi le cas de ce que disait Léon dans un autre message s’agissant de son épouse.
François poursuivait « Je me demande cependant combien de personnes sont concernées par un « bénévolat » égal ou supérieur à 800 heures par an et qui devraient être affiliées à la CAVIMAC » Ce nombre peut être évalué en analysant les trois catégories de laïcs au service des diocèses ainsi que par les rapports financiers publiés au Journal officiel :
- Des salariés plein-temps engagés dans le diocèse, mais de plus en plus remplacés par les deux autres catégories.
- Des bénévoles au service de l’Église, mais par ailleurs travaillant à temps partiel dans la société civile, ce qui serait envisagé aussi pour des prêtres.
- Des bénévoles au service de l’Église et vivant du salaire de leur conjoint.
Ces trois catégories étant engagées pour le diocèse pour une période limitée (souvent trois ans renouvelable une fois), il en résulte un décompte élargi à ceux qui ont terminé leur mission et qui sont privés de trimestres ou de revenus impactant leur pension future. Ils sont alors des milliers impactés pour leur retraite, par ce passé cultuel. Le chiffrage sur le fondement d’une centaine par diocèse (ils sont 100) conduit à 10 000 !
Un prochain billet éclairera les modalités des 800 heures en moins et en plus : ces deux versants impactent à leur manière la retraite des cultuels comme on pourra le constater pour de nombreux membres de collectivités religieuses… Le temps partiel à la Cavimac n’est pas un sujet anodin.
Des prêtres, à leur tour, seront appelés à rechercher un salaire ou un revenu extérieur, soit une partie de l’année, soit dans le cadre de temps partiels… La Cavimac n’est pas attentive aux conséquences de ces nouvelles données sur les pensions retraites de tous ces « ministres du culte ». Sa manière de concevoir ses obligations sont très pénalisantes en raison d’une application erronée du principe de subsidiarité. En soi, le principe est le suivant, si pour mon activité cultuelle, je suis affilié à une autre Caisse de Sécurité sociale, je n’ai pas à être affilié pour mon activité cultuelle à la Cavimac. Or celle-ci fait du principe de subsidiarité une autre application : si par mon travail à temps partiel, je cotise à une autre caisse, je suis dispensé d’affiliation pour la maladie, l’invalidité et la vieillesse, au titre du temps que je consacre à mon ministère. Il en résulte qu’en fait, ce temps cultuel n’étant pas cotisé, ne génère pas de droits invalidité et vieillesse correspondant. Il a aussi un impact sur les indemnités journalières en cas de maladie, les incapacités temporaires de travail (ITT) et l’invalidité : les accidents de travail pouvant être refusés si ceux-ci ne sont pas liés à l’activité civile…
Pour ce qui est des prêtres diocésains déjà surchargés, on a du mal à imaginer qu’ils puissent par ailleurs travailler à l’extérieur… Mais les finances feront loi… Ces ministres du culte comprendront mieux alors le sort injuste qu’ils réservent déjà aux « Laïcs en mission ecclésiale », et aux « frères » et « sœurs » de collectivités religieuses partageant leur temps entre le monde du travail et celui d’une communauté religieuse dont ils alimentent la caisse commune par leur salaire…
Jean Doussal, janvier 2025
(1) Nouvel Obs
(2) Mission de France
(3) Aprc.asso
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Le Canard Enchainé du 22 janvier 2025 fait écho aux contentieux d’ « organistes » réclamant devant les prud’hommes… Le journal dénonce les « chartes de bénévolat » en vogue dans les diocèses, les indemnisations transformées en frais kilométriques etc. Les réponses mitigées de la CEF… Que ce soit au niveau des salariés des diocèses ou des bénévoles qui les remplacent, des pratiques de plus discutables du point de vue des règles de la Sécurité sociale