APRC : un demi-siècle au service des AMC
Depuis sa fondation, l’APRC a mené une lutte constante pour faire reconnaître les droits de ceux qui ont été lésés par l’institution et la caisse des cultes en ce qui concerne leur retraite. Nous n’avons pas toujours obtenu gain de cause sur nos principales revendications, mais nous avons à chaque étape substantiellement fait avancer le dossier des AMC. La réforme, à venir…ou pas, des retraites, est l’occasion de faire le point sur notre action passée pour ouvrir des perspectives d’avenir.
Ce parcours ne se substitue pas à l’histoire de l’APRC telle que rapportée par ceux qui, sur le site de notre association ou dans nos bulletins (1992-2019), en sont les témoins privilégiés. La division de notre demi-siècle en séquences de quatre années, vise à montrer à chacun de nos militants, passés et présents, la qualité et la pertinence de l’œuvre accomplie.
Essais multiples de dialogue constructif
L’APRC a été fondée le 7 mai 1978, mais ses premiers « gènes » remontent à la nuit de « départs » méconnus et ostracisés, et à l’inédit des années 1970.
1972 à 1975 La naissance d'une fraternité inédite
Les départs après l’ordination ou les vœux perpétuels étaient un fait constaté et défini par les évêques et supérieurs majeurs comme les 10% de « déchet ». Les « défroqués » étaient stigmatisés comme « renégats ». Or les départs des années 1950 suite au rejet par Rome des « prêtres ouvriers » et à l’effervescence des années 60 et 70, changent la donne : une fraternité inédite s’installe, les échanges sont intenses sur les motivations des départs et les ré-engagements de ceux qui vont rester. Les débats autour de l’intégration des cultes à la Sécurité Sociale deviennent le ciment liant les futures associations, comme l’APRC et l’APSECC. « Échanges et Dialogues », ainsi que les démarches pour l’intégration à la Caisse d’aide aux prêtres âgés (CAPA 1972), « des prêtres ayant quitté l’exercice du ministère » témoignent de nos actions avant qu’elles ne s’inscrivent en associations loi 1901.
1976 à 1979 Les AMC ont des droits
Les « restés » alertent leurs « frères » « partis » : « Si vous ne faites rien, personne ne le fera pour vous !». Les interventions multiples auprès des évêques et des supérieurs majeurs, puis des politiques, confirment que les AMC ont des droits, ce que le « droit canon » des décennies et siècles précédents avaient toujours démenti. Les fondateurs de l’APRC ont alors autour de la quarantaine et n’ont pas pour objectif de donner le jour à une « Amicale d’ancien(ne)s ». L’adjectif « convenable » est choisi pour sa souplesse indispensable aux échanges avec les autorités religieuses et politiques. Leurs démarches conduisent à la prise en compte, dans la loi du 2 janvier 1978, de ceux « qui ont été » ministres du culte ou membres d’une collectivité religieuse. Du côté de la Conférence des évêques de France, un engagement est pris : « Au cas où les futurs décrets d’application fixeraient la pension seulement au niveau de l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS), une pension différentielle serait versée à tous sans distinction, jusqu’à concurrence du minimum vieillesse, actuellement 11 000 Fr ».
1980 à 1983 Des mesures concrètes
La loi vient de donner lieu aux décrets d’application, par prudence l’Association pour une retraite convenable (APRC) désormais instituée, saisit le Conseil d’État, car les AMC ont été oubliés ! Quant à la « pension différentielle », elle devient « garantie de ressources » et « aide aux plus démunis » : des mesures charitables qui resteront les acquis de cette période, mais le compte n’y est pas : il faut se battre pour établir la notion de droit. La pétition déposée auprès des évêques en assemblée à Lourdes recueille 6000 signatures ! Suite à quoi, une lettre ministérielle confirme le droit des AMC à se prévaloir de la loi du 2 janvier 1978, mais le Conseil d’État leur dénie une place au Conseil d’Administration de la Camavic. L’APRC s’organise pour durer et met en place ses « commissions » : « Femmes », « Technique » (=juridique), « Politique ». Des AMC s’orientent vers le rachat de leurs années d’études, pour ne plus dépendre de la Caisse des cultes et être libres.
1984 à 1987 L'inventaire
Les régions sont mobilisées pour rassembler les cas concrets, et pour rencontrer les évêques, localement. La connaissance du terrain s’affine, mais le dialogue avec les autorités religieuses tourne en rond. Les alternances politiques se traduisent par le reniement des « oppositions » devenues « majorité », lorsqu’il s’agit de tenir les promesses. Les mandats associatifs de nos Assemblées générales préconisent : « la poursuite des négociations avec fermeté ». Une commission « rachat des années passées au service de l’Église et qui ne soit pas à la seule charge des individus est mise en place ». Un questionnaire, dit « d’Aquitaine », recense les cas concrets et les vœux. Il conduit, à un axe important de l’action future de l’APRC à savoir les nécessaires affiliations des ministres du culte et membres de congrégations religieuses en mission à l’étranger et qui sont inscrits à l’EMI au lieu de l’être à la Camac/Camavic.
1988 à 1991 Le temps des clivages
Face aux divers blocages de la part des autorités religieuses comme des autorités politiques, l’association va vivre des années difficiles. Les débats sur les « rachats » divisent. Des structures plus ou moins dissidentes se mettent en place : « Gavac » en Aquitaine, « APRC+ » (APRC « moins », Vieille Boulangerie ironise-t-on…). Le promoteur de cette dernière témoigne : « Faisant du syndicalisme, je puis vous assurer que nous n’avons aucune chance d’obtenir quoi que ce soit, si nous ne changeons pas de méthode. Manifestement nous sommes sur une voie sans issue. C’est pour cela que je suis pleinement solidaire de l’équipe de BORDEAUX ». Sur le site, le chroniqueur de cette période constate les tensions : elles obligent l’Association-mère « à parfaire son argumentation, à dépoussiérer ses statuts, à informer davantage tous azimuts, à former ses adhérents, à recréer une unité entre ses membres, à élaborer un journal fort apprécié » (premier numéro- juillet 1992)
Contre mauvaise fortune bon cœur
Après les expériences et les tensions, l’APRC va opter pour le réalisme. Cette décennie nouvelle permettra et nourrira les actions judiciaires futures.
1992 à 1995 Que voulez-vous encore ?
Mgr Decourtray et son successeur Mgr Vilnet avaient renvoyé l’APRC vers les instances de la CAMAVIC et les décideurs politiques. L’association engage donc des négociations : après le Plan « Marie » qui envisageait la mise en place d’une « complémentaire », le Plan « Georges », après consultation des instances catholiques, se cantonne à l’aspect « aide sociale » : l’Allocation complémentaire Camavic (ACC,) connue aujourd’hui sous le sigle (ACR- Allocation complémentaire de ressources), est mise en place en Janvier 1993. Mgr Vilnet s’étonne alors d’une nouvelle demande de rendez-vous : « Que voulez-vous encore ? ». L’APRC précise son objectif : « obtenir un complément de retraite, a) pour tous les AMC, b) au prorata des années ‘cléricales’ c) auprès des autorités religieuses ». A l’issu de cette nouvelle période paraît le « LIVRE BLANC, conçu et rédigé par un groupe d’Anciens Ministres du Culte […] Il a été écrit avec scrupule, sans volonté polémique dans une recherche permanente de la concertation et de la transparence ». Cent-quatre-vingt unes pages sources indispensables pour le passé et l’avenir.
1996 à 1999 Les AMC se prennent en charge
Forte de ce qui a été mis en place au cours de la période précédente, l’APRC fera avancer trois dossiers. Tout d’abord toutes les démarches entreprises précédemment conduiront à l’entrée de représentants AMC au Conseil d’Administration de la future CAVIMAC par la loi de 1999. Ensuite, il y eut la grande enquête : « Des femmes prennent la parole ». Julien POTEL, prêtre sociologue, constate : « Quels que soient les faits, c’est humainement grave que des femmes aient ressenti aussi douloureusement leurs situations ». Cette enquête aura un impact fort du côté des congrégations féminines. Enfin, côté diocèses, les négociations avancent également vers la mise en place de la retraite complémentaire pour les ex-diocésains. Des rencontres ont lieu avec Mgr Duval, et la décision de l’USM2 « garantie sur la base du Smig » est votée par les évêques le 8 novembre 1999. L’APRC constate cependant que la décision de Lourdes est, une nouvelle fois, en retrait par rapport aux entretiens qui la précèdent. Le Président de la CEF tente de se justifier : « Pour rester dans la limite des 6 millions, il fallait obtenir des plus de 75 ans un abandon de leur droit » !
2000 à 2003 Années de persévérance
Les débats reprennent dès l’année suivante, tandis qu’à leur tour les ex-religieux suivent l’exemple de leurs consœurs. D’emblée cependant la Conférence des Supérieurs Majeurs (CSM) et la Conférence des Supérieures Majeures Femmes (CSMF) fixent la limite : refus d’un « complément de retraite », mais accord pour un « complément de ressources ». Une instance : (CSM) + (CSMF) + 4 délégués APRC est mise en place pour être vigie dans cadre de la réforme des retraites conduite par le Gouvernement. Les premières approches de la représentation Administrateurs AMC au CA de la CAVIMAC sont rapportées dans le bulletin N°15 de notre association : « Il faut rappeler que l’objectif de notre présence au CA de la Cavimac n’a jamais été la modification de la loi : le CA est chargé de l’appliquer, non de la modifier. Notre présence à la Cavimac et dans les commissions est actuellement un moyen important de faire reconnaître notre existence et notre importance pour agir avec plus d’efficacité ». Un point de vue sans doute trop attaché aux réflexes consensuels : il conduit à voter le refus d’affilier les Témoins de Jéhovah (ce que la Commission consultative prévue par la loi du 2 janvier 1978, démentira) et à accepter pour les membres des communautés nouvelles que la femme n’ait pas à cotiser puisqu’elle est « ayant droit » de son mari.
Bras de fer
Si les ex-diocésains ont obtenu une part importante de ce qu’ils réclamaient : un « complément de retraite », et bien que la CEF veuille revenir sur cette avancée, les anciens membres de collectivités religieuses sont loin du compte. Le problème cependant demeure : côté CEF et Corref on est ouvert à des corrections par des compensations charitables, de notre côté on revendique un droit à une retraite « convenable », aligné sur ce qui est octroyé aux restés avec le « minimum interdiocésain garanti » notamment par un complément de retraite.
2004 à 2007 En découdre
La période s’ouvre par le recours à l’article 2044 du Code civil qui permet la recherche d’une transaction pour mettre fin à un litige : « Le temps est venu de passer aux actes pour le préjudice subi (ou à subir) au moment de notre retraite, pour les années passées en communauté… […] Il ne s’agit pas d’un dédommagement financier pour le choix que nous avions fait librement […] mais d’une compensation financière pour nos vieux jours, face à la carence » de la retraite Cavimac et d’une complémentaire dont les autorités religieuses sont responsables. Certaines démarches aboutiront, tandis qu’une action judiciaire devant les Tribunaux des Affaires sociales, va mobiliser de nouveaux adhérents, conscients de l’impact négatif des trimestres non-validés pour la liquidation de leurs retraites civiles et cultuelles à 60 ans, à taux « plein ». « Avec rigueur, aidés par des juristes, les uns bénévoles, les autres appointés, les voies d'accès à la justice et les changements à exiger des pouvoirs publics » sont explorés. « Des textes précis et fondés en droit ont été mis au point, à l'usage des décideurs de la nation. Des juristes faisant autorité ont étudié la cause que nous défendons et proposé des solutions nouvelles via des colloques et des publications dans des revues spécialisées... »
2008 à 2011 Le juridique devient une force
Dans l’attente de la confirmation des jugements et arrêts par la Cour de Cassation, puis le succès de l’action engagée devant le Conseil d’État, l’APRC va connaître une nouvelle période de tension entre ceux dont le souci majeur est privilégier le dialogue et ceux pour qui le recours aux tribunaux de la République devient une priorité. Par ailleurs, au CA de la Cavimac, les premiers procès bousculent et durcissent les positions du culte catholique, décidé à faire prévaloir le « Droit canon ». La représentation AMC devient plus « laïque », en distinguant points de vue des « collectivités religieuses » et points de vue des « assurés », comme dans le reste de la vie sociale. Le propos agace, mais il conduit à des postures nouvelles : côté « assurés », le CA vote l’augmentation substantielle de l’ACR portée à 85% du SMIG et indexée sur celui-ci, côté « collectivités religieuses » une révision des règles d’affiliation se met en place ; côté politique, des décrets revalorisent la pension des nouveaux retraités. Il ne s’agit plus d’appliquer les lois de 1905 et 1978, telles qu’interprétées par les cultes, mais de leur application à la lumière des décisions judicaires qui sont les conséquences des actions engagées par des assurés.
2012 à 2015 Les victimes des cultes
Au problème indéfiniment reculé de la retraite dérisoire des ex-diocésains et ex-congréganistes s’ajoutent désormais les conséquences des non-affiliations au régime vieillesse durant des décennies par de très nombreuses collectivités religieuses que les « commissions d’affiliation » excluaient de la loi du 2 janvier 1978. Le service juridique de l’APRC est à présent particulièrement performant pour contester en droit les thèses et les calculs des services de la Cavimac. La « commission avenir de nos retraites » bâtit des argumentaires liant la revalorisation des retraites déjà liquidées à la régularisation de tous les arriérés pour convaincre les autorités cultuelles que le combat de l’APRC n’est pas seulement celui des AMC, mais de tout un système pour lequel nous devons aller rechercher ensemble, pour les « partis » et les « restés », une solution politique. Des liens et complémentarités sont noués avec les associations en charges des dérives sectaires.
2016 à 2019 Vers de nouveaux horizons
Un nouvel état d’esprit est-il en train de se mettre en place ? Les propositions APRC sont approfondies au sein des cultes, même si chacun préfère trouver ses solutions plutôt que de participer à un Fonds commun de régularisations. A l’intérieur du culte catholique les diocèses voient bien le bénéfice à retirer d’une participation au fonds commun en lieu et place du complément qu’ils n’auraient plus à verser à leurs prêtres de plus de 62 ans, mais ils doivent composer avec la CORREF et l’autonomie des congrégations, refusant d’endosser les dettes des communautés nouvelles. Ces divisions empêchent des démarches communes auprès des instances politiques, tandis que les surprises de l’élection présidentielle 2017, mettent à mal tous les contacts que nous avions pu tisser avec les Représentants du Parlement. Un grand bouleversement générationnel est à présent à l’œuvre : l’APSECC est orientée vers sa dissolution, l’APRC requiert la participation des « ex-communautés nouvelles ». Au CA de la Cavimac, les prêtres et religieux (ses) des générations Jean Paul II et Benoit XVI prennent la relève de leurs confrères vieillissant, jusque-là en charge du régime social des cultes. Sont-ils prêts à en corriger les erreurs et à concevoir que les prestations ne peuvent être prélevées indument sur les fonds de la solidarité nationale ? Les hommes et femmes de notre temps ne sont plus de leur côté : trop de scandales et de dérives. Peuvent-ils vraiment être des acteurs offensifs de la devise républicaine : égalité, fraternité et liberté dans une société justement sécularisée et soucieuse du fait que ce soit bien la justice civile qui garantisse les droits sociaux individuels et collectifs des citoyens ?
Conclusion
La conclusion s’impose d’elle-même : l’APRC, comme par le passé, restera vigilante et continuera ses actions pour que la justice triomphe enfin, par tous les moyens dont elle dispose, pour que les droits des assurés soient reconnus et respectés selon les normes du droit républicain. Tout au long de ce parcours nous n’avons pas repris la liste des actions concrètes, régulièrement renouvelées tous les quatre ans par nos adhérents, d’abord les amitiés et solidarités régionales, les cotisations et dons pour garantir les moyens financiers de l’association, les contacts maintenus avec les anciens confrères, les recours aux médias (dont site internet) et aux parlementaires, les dialogues sans cesse repris avec les autorités religieuses et les associations amies, le renouvellement de nos conseils d’administration et de nos commissions, les études et recherches pour donner force et pertinence à notre bon droit, les solutions aux dossiers individuels poursuivies inlassablement et dans la discrétion auprès de telle ou telle collectivité religieuse, du SAM et de la CAVIMAC. L’Histoire de ces cinquante années est celle de milliers d’adhérents et sympathisants. A tous et chacun, MERCI.
Jean Doussal