Evolution démographique

Parce que notre avenir est commun

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Des amis de l’APSECC ont questionné l’avenir de leur association, la démographie nous oblige à la même interrogation. Les trois premiers tableaux, outre qu’ils montreront le basculement qui vient de se produire en 2017, pointeront le poids démographique des assurés que nous défendons en rapport aux autres pensionnés. En seconde partie les chiffres permettront de mieux entrevoir l’avenir prévisible du régime social des cultes. En troisième partie quelle union des forces ?

Le basculement ressenti par nos associations

Du ressenti passons au vérifié, d’abord sous l’angle d’une profonde rupture démographique constatée chez les pensionnés issus du monde cultuel au regard des plus de 61 ans de la population française.

Les pensionnés cultuels comparés à l’ensemble des retraités

Une rupture inédite se situe d’une façon globale dans la tranche 81-85, mais d’une façon différenciée dans la tranche 76-80 pour les AMC, ainsi qu’on le verra plus bas :

La forme normale du premier graphique des retraités cultuels devrait être un triangle renversé tel que celui de l’ensemble de la population représentée par le deuxième graphique soit le maximum de pensionnés dans les tranches les plus jeunes (61-65, puis 66-70 etc) et la pointe dans la disparition progressive des plus anciens. Or nous ne sommes pas du tout dans ce schéma. Le décrochage avait eu lieu pour les prêtres et les religieux/religieuses par la tranche des plus de 80 ans, et il vient de se réaliser pour les AMC en 2017 par leurs pensionnés de 76 à 80 ans. Il est donc important pour ces derniers de tenir compte de ce qui vient de se passer chez leurs amis de l’APSECC.

Sous un angle plus « politique » la baisse tendancielle de la présence du monde cultuel (ici essentiellement catho) dans les différentes tranches d’âge, doit également être un sujet de réflexion. Alors que les pensionnés cultuels, hommes et femmes cumulés, représentent un peu plus de 1% des retraités les plus âgés, ce pourcentage dégringole dans les tranches suivantes à 0,10% des 66-70 ans de 2017 (troisième volet de l’image). Le monde cultuel a perdu le poids démographique qu’il pouvait avoir au moment des réformes de 1977 et 1998, sauf à redécouvrir le bien fondé de sa présence dans la société à travers la diversité cultuelle et les régulations qu’elle nécessite au regard des dérives sectaires dont de nombreux citoyens sont victimes.

APSECC : les « derniers des Mohicans »

Le sentiment d’être les « derniers des mohicans » revient souvent sous la plume de nos amis prêtres âgés. Le défi est relevé par leurs confrères des générations Jean Paul II et Benoit XVI, mais ceux-ci sont-ils aussi conscients des enjeux Sécurité sociale dont leurs ainés furent pionniers ? Voyons d’un peu plus près sur quelle démographie[1] peuvent se fonder les solidarités :

 

La rupture démographique apparaît dans la tranche des 81 à 85ans. Il est donc logique que les adhérents de l’APSECC aient été premiers à prendre conscience du déclin démographique auquel ils étaient confrontés. Déclin démographique que le pourcentage de mortalité interpelle aussi : 50% des religieuses entre 61 ans et 80 ans ne feront pas partie des plus de 80, ans et moins de 40% des prêtres et religieux atteindront cet âge.

Par rapport à l’ensemble des retraités, les prêtres et religieux/religieuses représentent 0.71% après 81 ans mais 0,12% dans la population des 66 à 80 ans. Il s’agit donc là aussi de la perte d’une force démographique constatée par le premier tableau : une division par six ! Un « poids politique », centré sur le « catholicisme » alors que ces chiffres ne comprennent pas la diversité cultuelle, ni toutes celles et tous ceux qui auraient dû être affiliés et ne l’ont pas été depuis l’existence de ce régime particulier.

Ce que l’Église de France a préféré occulter depuis 1946

Mais restons un moment à cette fin de vie des « derniers mohicans », en remontant au tout début de leur vie de « consacrés ». Âgés majoritairement aujourd’hui entre 80 et 100 ans, ils étaient la jeunesse « ministérielle » des années 1946 à 1960. La rupture démographique constatée soixante ans plus tard, s’est produite en réalité à ce moment-là. Contrairement aux analyses volontiers répandues par eux-mêmes et leur hiérarchie : ce ne sont pas les départs qui ont pu avoir lieu après le Concile ou « Mai 68 » qui expliquent cette rupture. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les jeunes et leur famille ont été de plus en plus nombreux à refuser l’entrée dans les ordres : la question est donc moins leurs collègues partis, que les jeunes toujours plus nombreux à avoir refusé leur statut de célibataires consacrés.

Si on se limite à l’évolution des effectifs dans les Grands Séminaires on constate que la baisse est antérieure aux années incriminées, à savoir 1968 :

La baisse est constante dès 1946, freinée pendant le Concile, elle s’accentue après Mai 1968. Que retenir avant tout de ce graphique au regard de ce que nous disons de nos amis relevant de l’APSECC ? Ils ont dû assumer de 1960 à aujourd’hui la baisse qui s’est produite dans toutes les tranches d’âge qui les ont suivis. Ils ont dû combler de plus en plus de vide… En bleu la baisse des ordinations est également antérieure au Concile Vatican II…

Des arguments comme celui de la disparition des « familles nombreuses » apparaît au regard de ce graphique insuffisant pour expliquer la désaffection : dans les années du baby-boom, les familles restaient nombreuses. Cependant les jeunes de ces familles renonçaient massivement à entrer dans les ordres !

L’APRC, le défi de l’avenir

Les départs après ordination et vœux ont également été analysés en lien avec le Concile et « Mai 68 ». Or, en dehors d’un pourcentage traditionnel constaté par les évêques depuis la Révolution Française, la poussée plus forte des départs commence dans les années 1950 par les mesures prises contre les « prêtres ouvriers ».

Comme annoncé dans la section précédente, la rupture dans les effectifs de retours à la vie civile, se situe dans la tranche d’âge 76 à 80 ans soit : 2017-71 ans = 1941 mais 1941+30 ans = 1971, donc en lien avec les effectifs nés avant la Seconde guerre mondiale. Même si ce raisonnement est trop simple et discutable, il mérite approfondissement. Il y a de moins d’anciens ministres cathos, pour la même raison que du côté des « derniers Mohicans », parce que les jeunes, ont préféré partir avant !

A la lumière de la dernière colonne (tableau ci-dessous), les pensionnés AMC de moins 75 ans ne représentent plus que 0.02% de l’ensemble des retraités soit 2 pour 10.000, alors qu’ils sont 0.12% soit 12 pour 10000 dans les pensionnés de plus de 76 ans. Une division pas six également constaté du côté des prêtres, religieux et religieuses toujours à la charge de leurs collectivités religieuses. 

On remarquera en outre que les nouveaux retraités AMC sont moins nombreux puisqu’il s’agit désormais de celles et ceux qui sont rentrés dans les ordres après 1978. Sur les 2200 entre 61 et 75 ans environ 30% n’arriveront pas à 76 ans. L’avenir immédiat de l’APRC repose désormais sur un potentiel d’AMC autour de 1800 à 2000 retraités bénévoles…

A ce constat négatif il faut cependant opposer le potentiel d’adhésions du côté des AMC des moins de 62 ans soit par les novices et séminaristes qui, avant 2006, n’étaient pas affiliés et qui sont pourtant en droit de réclamer 1 à 4 années de trimestres leur permettant le taux plein validant leur retraites civiles, soit davantage encore du côté des communautés nouvelles et des divers cultes pour les nombreux trimestres qui n’ont pas été cotisés.

 

La réalité des assurés présents et futurs de la CAVIMAC :

Pour bien évaluer l’avenir, il faut ainsi regarder du côté des cotisants. Aussi bien pour l’APRC que pour l’APSECC, l’avenir du régime social des cultes se pose en termes radicalement nouveaux.

Le culte « catho » doit « faire avec » les autres cultes

L’augmentation se situe avant tout du côté des autres cultes : côté catho, en effet, le potentiel d’augmentation est à peu près stabilisé (sauf à affilier les LEME actuellement « bénévoles »), mais très grand du côté des cultes musulmans, orthodoxes, bouddhistes, et protestants évangéliques… Côté catho, on n’oubliera pas que les femmes deviennent moins nombreuses que le total, prêtres diocésains + religieux hommes, ce qui est une nouveauté depuis 1999. La masculinisation de la Cavimac gagnera progressivement la démographie des retraités 

Pour ce dernier constat, des nouvelles réalités sont à l’oeuvre : à la différence des prêtres, pasteurs et autres ministres du culte, très majoritairement masculins, les religieux et religieuses ainsi que les membres des communautés nouvelles ont souvent un métier relevant d’un régime de cotisations autres que le régime social des cultes. Ils reviendront à la Cavimac comme polypensionnés, mais sur la base d’un effectif bien moindre que leurs aînés.

Une représentation plus en amont

Les problématiques « retraites » auxquelles l’APRC est appelée à répondre, se trouvent profondément bousculées. Les titulaires de droit à pension avant 2010 vont se trouver de plus en plus marginalisé dans les effectifs de notre association du fait des décès, alors que les adhérents futurs auront eu leurs droits calculés avec le minimum contributif.

L’APRC est amenée de plus en plus à agir sur le terrain des relevés de carrières, sur les cotisations qui n’ont pas été réglées à temps, sur les règles d’affiliations, sur les différences d’approches légitimes entre points de vue « employeurs » et points de vue « assurés » pour tout ce qui est gestion de ce régime particulier].

La Cavimac sera-t-elle fondue dans le Régime général ? Comme le « RSI », le « régime des cultes » réclamera des règles spécifiques, un traitement à part et des services dédiés.

Administrateur depuis 10 ans, je ne puis que regretter l’absence d’un véritable point de vue « assuré » chez mes collègues administrateurs. Prime avant tout le souci des avantages financiers pour les collectivités religieuses. D’autre part, il y a de véritables différences entre points de vue de la CEF et de la Corref + Associations de fidèles : les points de vue venant des diocèses ont été régulièrement plus ouverts que ceux des communautés religieuses.

Avec l’entrée en force des autres cultes, c’est davantage les points de vue réclamant le moins de cotisations possibles et les recours aux aides de la solidarité nationale qui a le vent en poupe. La différence « ministres du culte » et « membres de collectivité religieuse » est au cœur de bien des débats.

Les ministres du culte percevant un traitement cotisent pour une retraite complémentaire, les « membres de collectivité religieuse » en sont exonérés. En soi c’est une grave anomalie car l’absence de retraite complémentaire les amène à réclamer les fonds de la solidarité nationale (ASPA et Fonds sociaux) en infraction par rapport à la loi de 1905.

Plus largement les cultes demandent des dérogations en matière de « temps partiel » et utilisent des bénévoles remplissant en réalité des activités qui, pour d’autres associations, imposent le salariat. Comme souvent dans ce monde cultuel, les femmes deviennent vite les principales victimes de l’absence de protection sociale. 

Jean Doussal, 20 mars 2019

 

 [1] Les chiffres relatifs aux tranches d’âge ont été établis à partir des graphiques figurant pages 51 et 53 du rapport d’activité 2017 de la Cavimac. Les données ayant servi à ces graphiques n’étant pas fournies, nos chiffres sont globalement « justes »

[2] Et en ce sens le lien à faire entre augmentation des retraites déjà liquidées et régularisation des arriérés par un Fonds dédié, reste d’une parfaite actualité.

[3]Me parait particulièrement intéressant dans la démarche ESAN/APRC cf. https://aprc.asso.fr/cms227/uploads/DOC_APRC/parlementaire/Demarche%20ESAN%20APRC%20PREMIER%20MINISTRE.pdf la façon globale de présenter notre problématique.