Le regroupement des diocèses est engagé

...

'' 15 aout 2024, Ambroise Laurent, chargé des questions économiques à la Conférence des évêques de France, est interviewé sur RTL i. Il proclame : « on prie pour la France le 15 août. Donc, il y a plein de fêtes partout. Les églises sont ouvertes et accueillent beaucoup de monde. Et c'est vrai que les gens sont prêts à donner et à prier ensemble. Les deux vont de pair." La journaliste fait, avec lui, l’inventaire des recettes : la vente de cierges mais surtout la quête dont les « paniers collectés » par lesquels l’Église observe le montant moyen d'un don par carte bancaire, supérieur à celui d'un don en espèces. En ajoutant le casuel, lorsque les catholiques donnent pour la célébration des baptêmes, mariages, funérailles, les offrandes de messe, quand un fidèle paye pour faire dire une messe à une intention particulière, et bien sûr la collecte annuelle du denier de l’Église, on atteint pour l’année 2022, 591 millions. Le financier estime ce montant « en augmentation après le gros trou d'air de 2020, année covid, quand les fidèles ne pouvaient pas assister à la messe. Il y a aussi des legs, chaque année, eux, sont classés dans la case ressources exceptionnelles ».

Il conclut à propos des diocèses : « les communautés doivent équilibrer leur fonctionnement, autonomie, responsabilité, contrôle, rigueur. De fait, les solutions, c'est d'abord restreindre les dépenses d'effectifs, dépenses immobilières, faire le ménage et effectivement se séparer de presbytères, de maisons. Se séparer de ce qui ne sert plus. Il y aurait aussi une réflexion à mener sur la cartographie et le nombre de diocèses. En France, il y en a une centaine, un par département, en regrouper certains, 2 par 2, permettraient une mutualisation des ressources ».

L’argument covid est-il vraiment pertinent ? Nous vérifions les chiffres par les données recueillies sur le site de l’Église de France avril 2024 ii:

 

M€ 2008 2019 2020 2021 2022
DENIERS DE L'ÉGLISE et autres dons avec reçus fiscaux 307 307 305 301 297
QUÊTES 149 148 107 151 159
CASUEL 85 84 69 80 84
OFFRANDE DE MESSE 52 50 45 53 51
TOTAL 593 589 527 585 591

 

Cette évolution nous conduit à un constat, s’agissant cette fois de l’argument « covid » avancé dans l’interview, comme « trou d’air ». Si celui-ci est de fait une réalité seulement pour les quêtes et le casuel, l’impact ne doit pas occulter les tendances de fond : en euros corrigés de l’inflation, 2021 et 2022 ne rattrapent pas les années avant covid, 2018 et 2019. En outre, la tendance longue des années antérieures est confirmée : la baisse est structurelle. Elle n’a jamais pu être enrayée depuis vingt ans. La dégradation est d’abord à chercher dans la baisse des donateurs : ils étaient 1,440 million en 2007, ils sont 813 000 en 2022, elles est aussi dans la « pratique » : quêtes hebdomadaires de moins en moins alimentées, funérailles civils, mariages sans passage par les églises, etc.

À vrai dire, le doute sur les finances de l’Église de France reste une idée bien ancrée, il suffit de réentendre ce que disait en 2006 - soit donc ils y a 18 ans…- Mgr Laurent Ulrich, alors archevêque de Chambéry, président de la « Commission épiscopale financière et du Conseil pour les affaires économiques, sociales et juridiques » tenait les propos d’aujourd’hui : « Qu’en est-il de la situation financière des diocèses ? Globalement, elle est difficile, car la plupart n’équilibrent pas les dépenses et les recettes courantes. De là à parler de dépôt de bilan, il y a loin. Mais, concède Mgr Ulrich, nous sommes dans une situation qui n’est pas saine car elle nous oblige à puiser dans nos réserves. Ce qui suppose par exemple de revendre certains bâtiments. Aussi l’effort est-il porté dans chaque diocèse pour à la fois réduire les dépenses et augmenter les recettes, principalement le denier de l’Église. Si celui-ci a fait un joli bond en avant, il reste en deçà des nécessités de financement de l’Église de France » iii. On n’ose pas parler de faillite éventuelle, sauf que certains diocèses ont dû être sauvés. Certes, les diocèses disposent encore de plus-values financières et immobilières… mais au fur et à mesure des années, ce patrimoine s’épuise. Il reste encore du « grain à moudre »… plus d’ailleurs dans les congrégations que les diocèses, (grandes métropoles exceptées).

Au niveau de l’APRC quelle incidence ? Le développement à outrance du bénévolat sans contrat de travail prend une ampleur de plus en plus conséquente dans les diocèses. Des femmes, en particulier, signent des « chartes » de bénévolat et lorsqu’elles sont salariées par le diocèse, elles le sont à temps partiel… avec obligation jugée « normale » que l’autre partie de leur temps soit aussi « donnée » aux activités diocésaines… On retrouve les mêmes détournements que ceux constatés dans bien des collectivités religieuses, contrats au pair et/ou précaires, absences de cotisations, etc. et bien sûr une pension retraite qui ne sera pas « convenable ».

Jean Doussal

 

i Economie consommation  / comment l'église de france se finance-t-elle ? 

ii Eglise.catholique.fr : Livret des éléments financiers de l'Eglise-2023.pdf

iii Paris : le denier de l'église 100 ans après  sa création est en augmentation