Le statut des LEME « affiliables » à la Cavimac

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En 2017, un groupe de travail à la Cavimac s’était attelé à approfondir la question des « Laïcs en mission ecclésiale » (LEME) missionnés dans les diocèses. Cet article rapelle les critères retenus par cette instance pour une telle affiliation à la Cavimac. Il expose ensuite la nécessité de sortir des règles de bénévolat tel qu’en usage pour mieux appréhender le côté « sui generis » du régime spécial des cultes permettant d’envisager pour eux une juste protection sociale. Il alerte enfin sur la nécessité de revoir l’application du temps partiel à la Cavimac telle que mal interprétée par le principe de subsidiarité dans ce cas précis.

1) Les critères avancés en 2018 par le Groupe de Travail sur le Bénévolat

« Les critères qui suivent – tels que proposés par le groupe de travail – sont cumulatifs. Autrement dit, leur conjugaison ou simultanéité fonde l’affiliation au régime social des cultes, ces critères ne pouvant prospérer isolément.

A/ Volume d’activité : seuil de 80 heures par mois

À titre indicatif, la pratique administrative permet le cumul d’un statut de chômeur indemnisé avec l’exercice d’une activité bénévole à vocation d’intérêt général agréée par l’autorité administrative, à hauteur de quatre-vingts heures par mois pendant une durée ne pouvant excéder 6 mois. Le groupe de travail propose de s’en inspirer pour retenir un seuil de quatre-vingts heures par mois, constitutif d’un premier indice d’exercice d’un ministère cultuel distinct d’un simple bénévolat. Lors des discussions, le groupe de travail a évoqué, à titre d’illustration, la situation particulière des aumôniers intervenant en détention afin de célébrer les offices religieux et d’apporter l’assistance spirituelle aux personnes détenues.

Au-delà d’un volume d’activité de quatre-vingts heures par mois, le bénévole serait susceptible de d’être qualifié ministre du culte, sous réserve que soient réunis les autres critères proposés par le groupe de travail.

B/ Durée de la mission : seuil égal à un an

En référence toujours à la pratique administrative, le groupe de travail s’est intéressé cette fois aux dispositifs en vigueur sous l’angle du volontariat de solidarité internationale, permettant à des jeunes de 18 ans au moins de s’engager pour une mission allant de 12 à 24 mois au sein d’une association agréée par les pouvoirs publics. Dans cet esprit, le groupe de travail a retenu un seuil d’un an, susceptible de différencier un engagement bénévole d’une mission de ministre du culte. L’affiliation ne serait pas rétroactive en fin de première année si l’activité ne dépasse pas ce seuil ; illustrant cette option, le groupe de travail a évoqué la période initiale de développement d’une collectivité nouvelle, dans un moment qui précède la validation de son existence par l’autorité ecclésiale.

Le groupe de travail propose que, si la période de la mission cultuelle dépasse un an, l’affiliation prenne alors un effet rétroactif avec comme point de départ le début exact de l’engagement cultuel, sous réserve là encore que soient réunis les autres critères proposés par le groupe.

C/ Existence d’une contrepartie financière

Un rapport parlementaire, rappelant la définition du bénévolat libellée par le CESE, a dressé ce constat : « le bénévolat est une activité non rétribuée et librement choisie […] à la différence des bénévoles (…) les volontaires s’engagent à temps plein dans une mission de plusieurs mois à quelques années et ils bénéficient en échange d’une indemnité de même que, dans la plupart des cas, d’une couverture sociale » (Assemblée nationale, 28 novembre 2012, Rapport visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat, page 7). En outre, les pouvoirs publics distinguent rétribution financière et simple remboursement, comme suit : « Les bénévoles peuvent être amenés à engager des frais sur leurs propres deniers pour le compte de l’association (exemples : transports et déplacements, achat de matériel, (…) etc.). Le bénévole ayant supporté une dépense pour le compte de l’association peut légitimement demander à celle-ci le remboursement de ses frais. » (Sitographie).

Sur la base de cette pratique administrative, il apparaît donc approprié de distinguer le « bénévole » bénéficiant d’un traitement du bénévole ne percevant aucune contrepartie. L’absence de contrepartie financière étant une caractéristique essentielle du bénévolat, le groupe de travail propose d’intégrer ce critère essentiel pour différencier le service bénévole d’un ministère cultuel, pour lequel un ministre est susceptible de recevoir une légitime compensation en nature ou en espèces (indemnité pécuniaire, logement de fonction, véhicule de fonction, prise en charge des repas à titre habituel). Cette contrepartie financière, constitutive d’un troisième critère, n’est pas à confondre avec les remboursements de frais, au forfait ou au réel, auxquels les bénévoles cultuels sont éligibles.

D/ Nature de l’engagement par essence cultuel

Afin de prendre en compte les originalités du régime social des cultes, il y a lieu d’écarter la notion de subordination juridique, étrangère au caractère cultuel de l’engagement. La subordination spirituelle est à distinguer de la subordination institutionnelle ou juridique.

D’ailleurs, un vrai bénévolat peut s’exercer dans un certain cadre institutionnel. Comme d’autres acteurs de la vie associative, des collectivités cultuelles proposent une Charte du bénévolat et des conventions individuelles de bénévolat s’inscrivant dans leur charte. Au contraire, ces conventions d’engagement réciproque peuvent permettre à un bénévole cultuel de valoriser son parcours associatif, mais elles n’ont pas et ne peuvent avoir pour objectif de donner à un ministre du culte un statut de bénévole qui le priverait de la protection sociale qui lui est due.

Mais si nous ne retenons pas le critère de subordination pour caractériser la nature du service rendu, il faut par contre que l’engagement soit de nature cultuelle, c’est à dire que le service rendu corresponde effectivement à une fonction cultuelle définie à l’intérieur du culte concerné : la personne qui assure le gardiennage du lieu de culte avec des contraintes horaires et la disposition du logement en échange ne relève sans doute pas du bénévolat, mais n’a pas à être affilié à la Cavimac ; il en est de même pour une secrétaire bénévole »

2) En quoi ces critères méritent d’être davantage approfondis

Membre du groupe de travail j’insistais sur le fait qu’il fallait sortir de tous les domaines juridiques de la loi française s’appliquant au bénévolat. En effet la solution doit être recherchée sous l’angle, d’abord et avant tout, des statuts « ministre du culte » et « membres de collectivité religieuse » tels que débattus à l’Assemblée Nationale et au Sénat à la fin de l’année 1977.

Prenons par exemple le statut du prêtre suivant ces débats, le Parlement ne voulait pas rentrer dans la définition « Prêtre catholique », pas plus celle d’un « Rabbin », d’un « Pasteur », d’un « Imam »… ou autre « appellation » dans les cultes existants ou à venir. La définition se voulait la plus ouverte possible. De même encore il n’interdisait pas au ministre du culte de s’affilier autrement : des Rabbins et Pasteurs préfèrent s’affilier au Régime général et éventuellement autres régimes, agricoles par exemple ou professions libérales. Le critère premier était issu de la loi de généralisation de la Sécurité sociale devant être effective pour tous au 1er janvier 1978 et donc pour les cultes, si les personnes à leur service n’étaient pas affiliées à un autre régime de Sécurité sociale elles devaient l’être aux Caisses Camac et Camavic qui allaient être mises en place par décrets.

De même, et on l’oublie trop souvent, le Parlement refusait de rentrer dans les questions de rémunérations ou de subordinations éventuelles. Là encore et contrairement à ce que l’on pense encore, par conformisme et habitude, il n’y a pas la règle du smic comme critère d’affiliation. Le Smic qui a succédé en 1999 au critère alors en vigueuri servait et sert au calcul des cotisations. Le ministre du culte peut avoir des avantages en nature, un traitement ou des prestations les plus divers, la Cavimac n’a pas à en discuter comme le ferait l’ URSSAF. Un LEME peut avoir un logement dans un presbytère, il peut percevoir des prestations… de même d’ailleurs que le prêtre n’est pas assigné à recevoir le SMIC en plus ou en moins, il doit simplement cotiser sur la base d’un forfait (dans la section suivante j’aborderai la question du temps partiel).

C’est tellement vrai que les membres de collectivités religieuses sont libres de toutes ces critères de rémunérations ou prestations ou avantages en nature… et que de leur côté les Pasteurs affiliés à la Cavimac perçoivent bien plus que le SMIC… alors que leurs cotisations sont calculées sur ce forfait avec les conséquences qui peuvent en découler pour leur retraite… d’où leur recours à des « assurances vie » et PER pour une retraite plus confortable… que convenable !

Donc mon message, en partie entendu, dans ce groupe de travail était d’en libérer les membres de tous les critères propres au bénévolat et au salariat. Je le répétais au Père Philippe Potier qui avait bien voulu m’accueillir à son domicile… prenons la loi française telle qu’elle est, pour apporter une solution juste à la question des LEME.

Je sais en effet que par exemple dans mon diocèse, des LEME acceptent cette gratuité, ou accepteraient des prestations inférieures au SMIC comme moi-même en tant que religieux je ne me posais pas ces questions financières. C’est par l’adhésion à l’association des anciens membres de collectivités religieuses et spécialement les ex-religieuses et ex-membres de « communautés nouvelles » que j’ai découvert des situations de « victimes ». Des sorties « sans le sous, en pleine nuit »… des femmes totalement déconnectées des réalités sociales... C’est par mes études aux Facultés de théologie et de droit canonique de Strasbourg que j’ai commencé à travailler les questions du droit du travail dans les cultes…

Entendez simplement mon appel pour que les LEME par la Cavimac aient une pleine protection sociale, en maladie, incapacité de travail et vieillesse. Je demande simplement qu’ils/elles soient du point de vue de la Sécurité sociale au même niveau de protection que leurs frères « prêtres » en maladie, incapacité de travail, invalidité et vieillesse. S’agissant par exemple d’un accident en cours de « mission » il n’y aurait plus à valider cet accident avec les critères du salariat, mais des activités en tant que « ministre du culte » au sens de la loi du 2 janvier 1978 loi civile et non du droit canonique.

Enfin sortons du droit canonique pour parler des ministres du culte, dans les diocèses : les Pasteurs n’ont pas ces restrictions, ils prennent tout simplement la notion au sens des débats préparatoires à la loi du 2 janvier 1978, c'est-à-dire au sens le plus ouvert possible… A noter que les pasteurs évangéliques affilient les assistants Pasteurs à la Cavimac.

3) Revoir la question du « temps partiel » au regard de la loi du 2 janvier 1978

Obnubilés par le calcul des cotisations sur le forfait SMIC les administrateurs catholiques ont cherché comment contourner ce forfait pour les temps partiels de plus en plus en usage dans le monde cultuel. Et pour cela ils avaient réclamé un décret d’application fondé sur les 800 heures du Régime Général, mais une autre solution était possible à savoir demander que le forfait SMIC soit ajusté au temps effectivement consacré au temps cultuel.

Lorsqu’un agriculteur est en même temps salarié, ou artisan ou profession libérale ; il cotise au prorata de ses divers revenus dans chacune des Caisses ressortant de ces diverses activités MSA, Régime général, fonctionnaire, profession libérale. Une erreur s’est produite à la Cavimac s’agissant du principe de « subsidiarité ». Certes le régime des cultes est fondé sur le principe que l’affiliation à la Cavimac est subsidiaire : si le ministre du culte, ou membre de collectivité religieuse n’est pas affiliée à une autre caisse il doit l’être à la Cavimac. Mais cette subsidiarité ne permet pas de faire couvrir le temps d’activité cultuelle par une autre activité. Le temps partiel cultuel doit être cotisé s’il n’est pas couvert en tant que tel par une autre Caisse de Sécurité sociale.

Nous avions abordé la question sous l’angle pratique du calcul de ce temps cultuel. Et j’avais répondu que celui-ci pouvait s’obtenir par différence. Le forfait temps de travail étant par exemple 35 heures par semaine pour les salariés, le temps cultuel devient pour un mi-temps 35- 17,5= 17.5 de temps cultuel et donc un forfait SMIC ramené à la moitié.

L’Histoire de la Cavimac avait été bousculée notamment à partir de 2005, par les décisions des Tribunaux de la Sécurité sociale, à propos des bonnes applications de la loi du 2 janvier 1978. Ces procès révélaient les nombreuses erreurs commises en matière d’affiliation… Alors que le passé n’est toujours pas réparé pour de nombreux personnes qui auraient du l’être, une nouvelle catégorie de ministres du culte au sens de cette loi sont et seront en droit de faire valider leur temps au service des diocèses devant les instances de la Sécurité sociale.

 

Jean Doussal, décembre 2024

i Avant 2000, les cotisations étaient calculées sur l’allocation aux vieux travailleurs bien sûr revalorisé d’année en année