Paternel… mais pas Maternel ! (extraits)

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NB Dans les extraits ci-après, Jean COMBE reproche au Film « Paternel » d’évacuer la mère. Nous pouvons, avec l’accord de l’auteur, transmettre l’intégralité de l’analyse à celles et ceux qui en feront la demande. JD

Prêtre-papa ! […] Toute la question : comment on résout les problèmes que cela pose ? Le film ‘Paternel’ du réalisateur Ronan Tronchot avec Grégory Gadebois dans le rôle du curé voudrait tenter de poser les bonnes questions.

Le personnage du prêtre Simon est sympathique ; il va au café avec son vicaire, joue au babyfoot avec lui ; il est très accueillant pour les jeunes ou pour les familles, à l’aise dans sa foi et son église.  « II est heureux dans sa vocation, mais il est aussi dans son petit confort, qui peut le rendre parfois un peu exigeant, un peu ‘petit chef’ », dit le réalisateur.

La question : quels sont les problèmes qu’il met sur la table ?

Celui d’un prêtre en responsabilité de ministère qui découvre un jour qu’il est père d’un garçon de 11 ans. C’est la mère du petit, une ancienne compagne, Louise, alors qu’il n’était encore que séminariste, qui le lui présente. Le premier contact est maladroit. Lui qui a l’habitude de bien accueillir les gens de sa paroisse, il se découvre dur et repousse la rencontre. […]

Il aura fallu que la mère s’absente un temps pour qu’il découvre la réelle importance de sa présence de père par rapport à l’enfant. Il aura fallu que l’évêque, un peu dépassé par les évènements, joue sur le registre de l’impossible disponibilité qui, selon lui, suffit à justifier l’incompatibilité de cumuler les rôles de prêtre et de père biologique. […]

Très bien, mais que fait-on de Louise, la mère ?

Le film évacue la question ; ce n’est même pas un problème ! Pourtant, dans la vie réelle, répondre à la question n’est pas sans importance ! Peut-on la dissocier des autres ? Garder l’enfant au presbytère jusqu’à sa majorité, la solution pourrait paraître acceptable… si la mère était décédée. Seulement voilà, dans le film comme dans la réalité, elle est souvent toujours là, effacée, mais toujours présente ! Et le film n’apporte rien à ce sujet, même pas un rideau entrouvert ! […]

En voyant la situation de Simon, le prêtre du film, on prend conscience que ces femmes ont vécu une partie de leur vie dans l’ombre d’un homme sans pouvoir se montrer dans sa famille bien souvent ni dans la leur ensemble, sans fréquenter les lieux publics, ni ses copains de sacerdoce ; ces mères ont dû supporter seule la charge financière de tous les soins de la petite enfance, notamment, et de l’éducation de leurs enfants, ici d’Aloé, le petit garçon, jusqu’à ses 11 ans. […]

Lorsque l’Association ’La Parole libérée’ s’est lancée à Lyon en 2015 pour dénoncer les agissements du Père Preynat, cet aumônier scout si sympathique, elle a réveillé ceux qui avaient aussi été abusés en d’autres lieux et en d’autres temps.

Après « Claire-voie », « Plein Jour » et « Enfants du silence »

Lorsque nous avons repris avec Dominique Venturini l’Association « Plein Jour » (2) qui venait de subir 5 ans de silence, nous avons voulu redonner une voix à toutes ces compagnes de prêtres ou de religieux, dans la prolongation de ‘Claire-voie’ lancée déjà 15 ans auparavant courageusement par Odette Desfonds.

Lorsque nous avons lancé ’Enfants du silence’ (3) en 2012 avec Anne Marie Jarzac, c’était encore pour donner une voix à ces enfants qui subissaient leur sort en silence, parce que dans cette église on a l’habitude de demander des sacrifices... aux autres, puis de demander pardon ! Et aussi de mettre sous le paillasson ce qui paraitrait gêner le fonctionnement patriarcal, hiérarchique et respectueux de l’Institution.

Je viens de faire à ce sujet une petite expérience : en recherchant sur Internet des informations sur des cas récents, j’ai trouvé un grand nombre d’interviews ou d’écrits de certains prêtres partis depuis ces dernières années, dont certains plus érigés en vedette d’ailleurs. Mais sur leurs compagnes, rien. Pas un mot. Pas une ligne. Pas un témoignage. Ce sont des compagnes - ou maintenant des épouses - sans voix ! Faites-en, vous aussi, l’expérience !
En leur redonnant une voix, nous voulons leur redonner une dignité.

[…]

(1) Les pasteurs protestants rattachés à l'Église catholique, généralement anglicans, restent mariés. La première dispense en ce sens remonte au pape Pie XII en 1951. Le phénomène se généralise à la fin des années 1970. Jean Paul II aurait accordé des dispenses de célibat à deux cents prêtres anglicans ou pasteurs convertis. La constitution apostolique ‘Anglicanorum Coetibus’ du pape Benoît XVI a notamment pour effet de systématiser le cas pour les anglicans.

(2) "Plein jour", soutien des compagnes de prêtres, de religieux et de religieuses.
Site : plein-jour
A édité : "Des compagnes de prêtres témoignent", Editions Golias
plus de 40 témoignages.
(3) "Enfants du silence", enfants de prêtres et de religieuses
Site : Enfants du silence

A édité : "Douze enfants de prêtres témoignent", Éditions  Livres en Seyne
(4) Il faut bien avouer qu’il s’agit d’un double sale coup dans le bénitier de la part de Jean Paul 2 ! d’une part, lui seul peut dispenser un prêtre de l’obligation du célibat ; les papes se sont réservés cette dispense. Au nom de quoi ? Et d’autre part il a recruté ainsi les prêtres et évêques anglicans qui refusaient l’ordination des femmes à la prêtrise et à l’épiscopat, donc les plus conservateurs, ceux qui ont refusé le vote du Synode général d’Angleterre ! Un évêque qui refuse les décisions d’un synode ? Bel encouragement ! ça promet !

Jean COMBE