RCF – « Je pense donc j’agis »
Dans le billet précédent, celui-ci, Léon Lepan, fidèle auditeur de RCF visait des points de vue un peu trop rapides émis sur le personnel laïc au service des diocèses. Nous espérons que les auteurs de ces propos auront pris connaissance de sa « Lettre ouverte à Radio Notre Dame ». Or il se trouve que sur cette même radio, le 4 novembre, Melchior Gormand animait les débats sur deux thèmes « Ces prêtres qui quittent le sacerdoce » et « Accompagner les religieuses et religieuses qui quittent la vie consacrée ». Véronique Alzieu co-animatrice rend très bien compte dans l’article rédigé le 6 novembre, des propos tenus par les invités du premier thème. Dans le second, l’émission, avec comme invitées Anne Marie Saunal, psychologue, Chantal Dupont du réseau Véro » et Christiane Paurd de l’APRC, les réalités exposées étaient autrement dramatiques. Par ce premier article consacré à ces deux émissions, nous réagissons au thème des prêtres qui partent aujourd’hui comme hier.
1) Aujourd’hui des départs mieux acceptés… et moins dramatiques ?
Combien de prêtre quittent aujourd’hui le ministère ? La CEF hésite à donner des chiffres : 17 prêtres en 2016… Le courrier JONAS n° 22 après enquête en 2004, concluait : « en reprenant notre enquête, les prêtres qui ont quitté le ministère depuis cinq ans, c’est-à-dire + ou – 100 pour l’ensemble des diocèses français, ont moins de 50 ans à quelques exceptions près. Il s’agit donc de 10% des prêtres de moins 50 ans.
Les deux tiers de ces prêtres se sont mariés peu de temps après leur départ, même si la solitude ou la vie affective n’est pas toujours la cause première de leur départ.
Ces prêtres ont pris leur décision après 3 à 19 ans de ministère, six seulement après 30 et 40 ans. On signale trois cas de suicide. On note également le départ d’un diacre. La possibilité de prendre la retraite facilite, pour certains, cet abandon du ministère » Ce qui était vrai en 2004, puis en 2016 continue à être vrai en 2024… »
La grande différence par rapport aux années antérieures à 1990, est que ces départs sont moins stigmatisés par les fidèles et moins ostracisés par l’institution. Cédric Burguin canoniste représentant l’institution fait cette comparaison : « le contexte général est assez porteur. Si vous me permettez une analogie, rappelons-nous qu’il y a moins d’un siècle, la question des divorcés remariés était un sujet tabou dans la société où tout allait à l’encontre de ce qui était considéré comme une infidélité à un engagement. Sans tomber dans une forme de banalisation, il est mieux compris qu’une vie puisse être marquée par différents aléas, y compris dans une vocation ecclésiale » Par ailleurs, il minimise les problèmes de réinsertion en affirmant que « les prêtres jouissent d’une meilleure protection sociale qui leur permet de changer de vie plus facilement ».
Le sociologue Josselin Tricou apporte quelques bémols : le métier de prêtre n’est pas facile à vendre en termes de réinsertion… sauf celui des Pompes funèbres ! Il fait valoir par ailleurs qu’on ne part pas d’abord pour la question du célibat, mais pour les difficultés institutionnelles. Le canoniste le rejoint sur ce point et préconise une meilleure gestion des ressources humaines… David Gréa donne son propre témoignage « j’ai été heureux comme prêtre, mais comme homme, NON… or, on est homme avant d’être prêtre ». Il défend le mariage des prêtres.
2) Les partis et les restés d’hier qui se meurent
Autant, on peut rejoindre les motivations des prêtres qui aujourd’hui quittent le ministère, autant on est tenté de leur rappeler les expériences de leurs ainés. Si aujourd’hui, les prêtres ont une meilleure protection sociale… elle est due aux longs combats des anciens, dont les partants « profitent » désormais. Ainsi pour eux, en 2006, nous avions obtenu la validation des années de séminaire puis la mise en place de la retraite complémentaire. Mais ces mesures n’étaient pas rétroactives, ces anciens n’ont pas eu les réparations qui leur sont dues. Leurs retraites sont impactées par des revalorisations fondées sur l’allocation vieux travailleurs, loin de la promesse initiale d’une retraite promise au niveau du SMIC, et pour eux pas de retraite complémentaire. Ils peuvent demander à l’Union Saint-Martin une allocation, mais celle-ci est calculée en tenant compte du revenu de leur épouse.
Cet exemple en témoigne : « J'ai reçu en compensation de la CEF pour le 3ème trimestre 2024 une aide de 1.880 euros, soit grosso-modo 627 euros par mois Mais attention :
1 Seulement comme aide financière à solliciter chaque année et dépendante du bon-vouloir de la CEF
2 Liée au revenu du foyer (donc pour moi au revenu de mon épouse) fixé à un maximum de 28.143 € par an (ce qui est notre cas)
3 Mon épouse ; sur laquelle la CEF se défausserait éventuellement au cas où sa contribution au revenu du foyer serait trop élevée, sera par contre totalement ignorée après mon décès et devra se contenter de la réversion (1/2) de ma retraite cavimac (467), même si elle se retrouve dans le dénuement... »
Au regard de ces injustices, les évêques ont répondu par des mesures de charité, d’aides ponctuelles et au cas par cas plutôt que des mesures de véritables autonomies pour ceux qui partaient. Dans le même temps ils privilégiaient les restés. Mais ces hommes partis et restés à présent, au bout de la vie, désapprouvent le souci institutionnel et hiérarchique, pour sa propension à maintenir le statut quoi du système.
Le canoniste de l’émission en était le grand défendeur, d’abord en minimisant les départs aux cinq premières années après l’ordination… alors que le témoin de tels départs venait de partir au bout de dix ans, et en continuant à revendiquer sa vocation… Nous savons bien à l’APRC que beaucoup de partis étaient prêts à continuer le ministère… Beaucoup restent actifs dans les paroisses et les mouvements. Au terme de leur vie, ils demandent une cérémonie religieuse. Dans ces parcours les plus divers, ils ont muri les raisons de leur départ avec leur famille et leur entourage, gardant des relations d’amitié avec leurs confrères restés. Curieusement, ces restés, prêtres ainés, souffrent souvent des points de vue assénés par les prêtres qui viennent après eux.
Les clichés sur les départs ont la vie dure… En fin d’émission, une auditrice qui se fait appeler « Olympia » s’en prend aux jeunes femmes aux tenues provocantes et aguichantes qui à la sortie des messes accaparent le jeune prêtre !… alors qu’elle-même voudrait s’en approcher !… Le canoniste dément le statut de l’homme interdit… comme phantasme… mais insiste sur sa « consécration ». Le sociologue interpelle l’institution qui en fait un homme « pas comme les autres ». Et le jeune ex-diocésain rappelle qu’il n’était pas partant. Il réclame un statut à la manière de Jésus au milieu de ses frères. Ce 4 novembre, l’émission va se poursuivre en abordant la question des religieux et religieuses quittant volontairement ou chassés par leurs communautés. Et là, on va être dans du plus scandaleux, sachant que dans les deux cas, les mesures de charité ne réparent pas ce qui devrait être la justice dans la solidarité.
À suivre donc… JD
Concernant l’aide accordée par la CEF aux petites retraites, je me souviens l’avoir demandée quand j’ai pris ma retraite. A l’époque nos ressources, avec mon épouse, était légèrement au-dessus du plafond permettant d’obtenir cette aide. Mais j’avais encore 4 enfants à charge (2 en étude sup et 2 au lycée). Quelle n’a pas été ma surprise en constatant que la CEF ne prenait pas en compte les enfants à charge. Dans quel monde vit la CEF ? C’est vrai qu’en étant marié et en plus avec 4 enfants, j’étais un très grand pêcheur, bien sûr !