lES « EX » ÉJECTÉS DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA CAVIMAC !
Cf Golias Hebdo n° 869 11 juin 2025
Depuis 1978, la loi de généralisation de la Sécurité sociale à tous les Français inclut les ministres du culte ainsi que les membres de congrégations et collectivités religieuses. Les cultes ont obtenu la création de leur propre caisse : la Cavimac (caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes). Toute personne dépendant d’un culte et qui n’est pas affiliée à une autre caisse doit être affiliée à la Cavimac – ou plutôt devrait l’être… car la réalité est autre et nombreux ont été et sont encore les exclus de cette affiliation : le conseil d’administration de la caisse a pris des libertés avec la loi – et ses ressortissants le payent lorsqu’ils font valoir leurs droits. Contrairement aux autres caisses de Sécurité sociale, la Cavimac est loin, très loin, d’être paritaire. Les pouvoirs publics avaient fait entrer des « ex », des « partis », des « AMC » 1 dans le conseil d’administration de la caisse. 25 ans plus tard, un décret ministériel les en éjecte.
Presque un quart des retraités de la caisse des cultes sont des « ex », des « AMC » !
Dans son rapport d’activité de 2018, la Cavimac (Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes2) connaissait 8 493 « anciens cultuels retraités ». Depuis qu’elle a changé de directeur, la caisse s’est strictement abstenue d’actualiser ses statistiques… Dans ce même rapport d’activité, la Cavimac indique un total de 41 804 retraités. Les AMC retraités ne sont donc pas du menu fretin ! D’autant que le nombre des « ex » est certainement à revoir à la hausse.
Les AMC « actifs », connus et inconnus…
Aux AMC retraités, il faut bien sûr ajouter les AMC « actifs », les moins de 64 ans. La Cavimac n’en connaît nullement le nombre… auquel s’ajouteront :
- Ceux dont la communauté n’avait jamais cotisé à la Cavimac, ou très tardivement. Pensez par exemple aux Béatitudes qui, fondées en 1973, n’ont affilié leurs membres qu’à partir de 2001 – 27 ans plus tard… Et, lorsque les Béatitudes ont été « réformées », il y a une quinzaine d’années, près de la moitié des membres sont partis et donc devenus AMC.
- Ceux et celles qui, n’ayant jamais fait profession, n’ont jamais été déclarés à la Cavimac : jusqu’en 2006, la caisse des cultes refusait d’affilier les novices et les séminaristes – jusqu’en 2014 les postulants. S’ils se font connaître de la caisse aujourd’hui, étant donné la jurisprudence et l’intervention du Défenseur des droits, ils obtiendront la validation de ces périodes de probation. A combien faut-il évaluer le nombre de personnes qui ont fait un « essai » de vie religieuse et qui se feront peut-être connaître un jour afin d’éviter une décote sur leurs droits à retraite ? Près de 50 % des personnes qui entrent dans la vie religieuse partent au bout de quelques mois, quelques années, avant de prononcer des vœux. Les périodes de probation durent en moyenne trois ans, soit douze trimestres. La décote, de 1.25 % par trimestre manquant, engendre alors une diminution de l’ensemble des droits à pension, tous régimes confondus (régime général, MSA, fonction publique, Cavimac, …).
Profitons de cet article pour vous inviter à lire la décision n° 2024-165 du Défenseur des droits (i), recommandant à la Cavimac d’informer les « personnes ayant accompli une période de séminaire ou de noviciat avant le 1ᵉʳ juillet 2006 » de la possibilité d’une « affiliation rétroactive sans obligation de cotisations » - décision qui va faire grossir le nombre d’AMC officiel…
Après 25 ans de présence au conseil d’administration de la Cavimac, les AMC sont éjectés par décision ministérielle !
Il y a 25 ans, l’APRC (Association Pour une Retraite Convenable)3 a obtenu – de haute lutte - que les AMC soient représentés au sein du conseil d’administration de la Cavimac. Depuis, le ministère de tutelle demande, tous les quatre ans, que l’APRC – association représentative des AMC – propose des personnes susceptibles de siéger en tant que titulaires (2) ou tant que suppléants (2). L’année dernière, nous avons appris que M. Darmanin s’apprêtait à signer un décret éjectant les administrateurs AMC de la Cavimac. M. Macron ayant dissous le parlement, le décret avait été mis de côté. Tout récemment, ce n’est que, par hasard, en consultant le Journal Officiel, que nous avons appris que M. Bayrou avait signé ce fameux décret, avec effet quasi immédiat. Personne ne s’est donné la peine de prévenir l’APRC : ni le ministère, ni la Cavimac, aucune publicité de quelque sorte que ce soit pour le faire savoir, en dehors du JO.
Quant aux raisons de cette éjection, mystère ! Il est vaguement question de la représentativité des cultes, du nombre d’administrateurs. Mais quand on sait que, en 2018, l’administrateur Cavimac anglican représentait 22 « assurés cotisants », l’administrateur orthodoxe 72, l’administrateur musulman 118 – à comparer aux 18 administrateurs catholiques représentant 12 948 personnes (4), cet argument de représentativité est curieux… La difficulté étant que tout culte a droit à un poste d’administrateur, même si le nombre de personnes représentées est très faible. Pour ce qui est des AMC, rares sont ceux qui sont « assurés cotisants ». Pour autant, les AMC retraités « ressortissants » de la Cavimac ne sont pas à négliger.
Des dizaines de milliers de ressortissants de la Cavimac muselés !
Ce muselage va faire taire – du moins au conseil d’administration de la caisse – des AMC qui protestent :
- Contre le non-respect des lois et de la jurisprudence
- Contre une retraite cultuelle minable (le « maximum de pension Cavimac » pour les périodes avant 19785 est de 448.12 € pour une carrière complète – au 1er janvier 2025).
- Contre des périodes cultuelles non prises en compte (exemple envoi à l’étranger)
Contre des temps partiels cotisés au régime général et non compensés par une déclaration à la Cavimac : si vous travaillez à mi-temps au régime général, certes vos trimestres seront tous validés, mais vous percevez aujourd’hui un demi-salaire et ce sera de l’ordre d’un quart de salaire une fois que vous serez en retraite !
Ces contestations concernent tout autant les musulmans, bouddhistes, protestants, évangéliques, orthodoxes et autres cultes que les catholiques.
Parmi les AMC, combien ont été victimes d’abus sexuels, psychologiques, spirituels ?
Combien d’AMC ont « défroqué » parce qu’ils ont pris conscience de l’anormalité de ce qu’on leur demandait de vivre ? Combien ont été abusés ? Les « affaires » sortent sur la voie publique, les unes après les autres… baisers mystiques, nonnes contraintes de se donner aux prêtres nécessiteux afin de leur éviter la peste, détournements d’argent, fondateurs prédateurs, abus de pouvoir, abus d’autorité – les media en regorgent, les livres foisonnent sur le sujet. Et ces AMC victimes n’auraient plus le droit de se faire entendre à la Cavimac ?
Ils devraient, en outre, être victimes d’une retraite insuffisante pour vivre dignement ?
Parce qu’ils ont « défroqué », les AMC sont encore souvent déconsidérés, voire méprisés. A leur sortie, et malgré les recommandations de la CORREF6, ils se retrouvent souvent totalement démunis, sans argent, sans logement, sans travail et sans formation, parfois sans famille et sans amis… Et il faudrait, par-dessus le marché, que leur situation empire le jour où ils feront valoir leur retraite ? C’est la double, voire la triple peine !
Et tout ça en silence !
Circulez ! Il n’y a rien à voir… Les AMC n’ont plus le droit de dire leur mot – et leurs maux – à la Cavimac. Le conseil d’administration – qui n’a rien de paritaire, contrairement aux autres caisses de sécurité sociale – pourra se contenter de dire « amen ! » aux décisions de son bureau, sans que moufte qui que ce soit ! et cela avec l’aval du ministère de tutelle dont le décret éjecte les AMC.
1 AMC = anciens ministres du culte, anciens membres de congrégations et autres communautés religieuses
2 Caisse des cultes : y siègent catholiques (ultra majoritaires), protestants, orthodoxes, musulmans, bouddhistes, témoins de Jéhovah, etc….
3 https://aprc.asso.fr/
4 Chiffres donnés dans le rapport d’activité de 2018 de la Cavimac
5 Le calcul des droits à pension à Cavimac est différent selon les périodes concernées : avant 1978, de 1979 à 1997, de 1998 à 2010, après 2010 – et je simplifie…
6 Conférence des Religieux et Religieuses de France
i Défenseur des droits/