À la baille!

Ces religieux qui repartent dans le monde – où vont-ils ?

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Ces religieux qui repartent dans le monde – où vont-ils ?

L’Église prend petit à petit conscience de ses responsabilités vis-à-vis des personnes qu’elle a accueillies et qui partent...

Le départ d’une religieuse quittant son couvent, du jeune quittant le séminaire, est souvent l’aboutissement d’une réflexion, mais se fait aussi parfois d’un coup : soit que la marmite explose du fait de la goutte d’eau qui fait déborder le vase, soit que les supérieurs aient pesé de tout leur poids pour que la religieuse, le séminariste reste encore et encore, jusqu’à ce que ce ne soit plus tenable...

Nous avons parlé (dans un billet antérieur) des notes canoniques que la CORREF a fait publiées fin 2013 et qui disent clairement quels sont les devoirs de la communauté, du séminaire, vis-à-vis de celle ou celui qui part. Malheureusement, toutes les communautés ne les connaissent pas et, lorsqu’elles les connaissent, elles n’en tiennent pas toujours compte.

Cela fait deux fois déjà que je suis en contact avec d’anciennes religieuses qui, ayant quitté leur couvent, se sont retrouvées à la rue et accueillies dans des structures d’urgence, type CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale). Ces structures font un travail remarquable auprès des sortants de prison, des sortants d’hôpital psychiatriques, des personnes en très grande difficulté. Est-il normal qu’une sortante de couvent, qu’un sortant de séminaire, ne trouve que cette solution ?
Nous en avons connu d’autres qui, pendant des mois, ont été hébergées, tantôt par l’un, tantôt par l’autre, tantôt par un troisième, un quatrième... Sans formation, sans travail, sans ressources.

« Le pape François a en effet décidé de créer une maison à Rome pour accueillir des religieuses renvoyées de leur communauté par leurs supérieures, surtout si elles sont étrangères. » écrit L'Osservatore Romano fin janvier 2020.

L’article cite les dires d’un cardinal brésilien qu’il a interviewé : « Il y a des cas très difficiles, dans lesquels les supérieures ont conservé les documents des religieuses qui voulaient quitter le couvent, ou qui ont été renvoyées. Ces personnes sont entrées au couvent en tant que religieuses et se trouvent ensuite dans ces conditions ! Il y a également eu quelques cas de prostitution pour subvenir à leurs besoins. Ce sont des ex-sœurs ! »

L’Osservatore Romano – et le pape François – sont trop restrictifs en parlant de religieuses renvoyées par leurs supérieures, et étrangères de surcroît. La situation n’est pas différente, ni pour les religieuses qui sont parties volontairement, ni pour celles qui sont de nationalité française.

Créer des lieux pour accueillir les religieuses ou séminaristes en rupture, cela part d’une bonne intention, certes, mais l’enfer n’en est-il pas pavé ?

Car enfin, cela risque fort de réduire le champ du possible pour les partants : il faudra être par exemple à Bordeaux, alors que l’on voit son avenir à Lille. Ces maisons d’accueil seront tenues par des gens d’Église (religieux ? laïcs ?) qui auront sûrement à cœur de faire revenir la brebis dans le « bon chemin ». Ces personnes de bonne volonté auront-elles la formation nécessaire pour entendre le mal-être psychologique des partants ? Pour les aider à faire valoir leurs droits sociaux, à trouver un logement, à gérer un budget, à préparer une formation ? Les deux, cinq, vingt, trente ans passés en communauté auront totalement et très dangereusement déconnecté le religieux ou le séminariste de la réalité de la vie civile.

Les communautés quittées doivent aider leurs anciens à revenir sans trop de casse dans la vie civile : cela passe par le financement d’un logement, d’une formation professionnelle, d’un accompagnement psychologique – et aussi de la retraite : c’est-à-dire via le paiement des arriérés de cotisations pour toutes les périodes de vie religieuse qui n’ont pas été prises en compte.

Christiane PAURD