Abuser des personnes

Dans le rapport de la CIASE, il est question d’abus sexuels sur des enfants par des gens d’Église ayant autorité…

Mais les abus commis par des gens d’Église peuvent aussi être psychiques, spirituels et concerner des adultes « ordinaires » (je laisse de côté les « personnes vulnérables). Après quoi, les abus auront peut-être aussi des conséquences financières…

La personne qui demande à entrer dans une communauté religieuse, un couvent, un séminaire, est en recherche de Dieu. Elle a 18 ans, 20, 25 ans – dans la plupart des cas. Elle ne sait pas comment répondre à un appel qu’elle a ou qu’elle croit avoir reçu. Les gens « du monde » sont dans l’incapacité de la guider. Il est donc logique qu’elle se tourne vers des gens qui « savent » ou qui disent savoir : des gens d’Église.

La responsabilité de celui ou celle à qui s’adresse le « regardant » est immense. On dit qu’il doit « discerner » s’il y a là vocation ou non. Mais sur quels critères ? Non, tout le monde n’est pas destiné à la vie religieuse. Chacun d’entre nous peut réaliser sa « vocation » comme parent, dans son métier, dans une association, auprès d’amis – tout en restant « dans le monde ».

Une communauté de formation récente rêve d’expansion, une autre, plus ancienne, voire vieillissante cherche de la relève… Mais ce n’est pas suffisant pour dire à quelqu’un « tu es appelé(e) à la vie religieuse ». Affirmer une telle chose tout de go est un abus. Je m’y suis laissée prendre : je cherchais une solution ? Elle m’était offerte sur un plateau. C’était un abus.

Après quoi, tout est possible… La « regardante » devient vite postulante… Si elle se pose la moindre question, il lui est expliqué qu’il s’agit là d’une tentation du démon, que personne de sa famille ou des ses amis ne peut la conseiller utilement puisque le démon règne sur « le monde », et qu’ils n’y comprennent rien… et que la seule et unique voie est de suivre les règles de la communauté. Abus spirituel, abus psychique.

Dans mon élan vers Dieu, j’ai voulu, comme le disent les évangiles, tout donner en entrant dans une communauté. Très sagement, il m’a été répondu que le droit canon ne permet de recevoir les biens de la nouvelle recrue qu’après sa profession perpétuelle. Mais aucun frein n’a été mis à l’importante commande que j’ai faite de produits réalisés par la communauté. C’était un abus financier.

Et jamais, au grand jamais, il n’a été question de mes droits sociaux, de ma couverture maladie, de mes cotisations retraite… Ce ne sont pas là des questions que l’on pose à Dieu, voyons !!!

L’on voit aujourd’hui fleurir dans La Croix les déclarations que font des communautés repentantes. Ce fut, il y a quelques mois, les frères de Saint-Jean. C’est, aujourd’hui, les moniales de Bethléem. Elles reconnaissent « de graves dysfonctionnements », « un système de pensée déviant ». Elles ont « pris conscience des conséquences graves de tels fonctionnements sur la vie de certaines sœurs encore parmi nous ou parties, telles qu’une relation de confiance brisée avec Dieu, avec l’Église, un sentiment de vie perdue, de culpabilité, ou de manque d’écoute ou de réceptivité à leur personne, voire une dépression ou une perte d’identité et de l’estime de soi ». Elles reconnaissent la centralisation de l’autorité, une emprise affective, une infantilisation, une loi du secret, un manque d’ouverture, une trop grande exigence, un discernement vocationnel mal avisé – et j’en passe.

Mais rien sur la réparation des dommages causés aux personnes, sinon par la prière. Et cette prière, aussi fervente soit-elle, ne suffit pas pour vivre à ceux et celles qui sont partis, ni lors de leur départ, ni lorsqu’ils prennent leur retraite et découvre les conséquences de cette tranche de vie. L’abus financier se fait alors pleinement jour…

Christiane Paurd

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