Audience au palais de justice de Bourg en Bresse

Audience au palais de justice de Bourg en Bresse, pôle social du tribunal judiciaire, lundi 7 novembre 2022

À 9 heures, le président, ses deux assesseurs et deux greffières entraient dans une spacieuse salle d’audience moderne où avaient déjà pris place 11 avocats, dont 9 avec leur client, tous demandeurs de droits contre les caisses primaires et des Urssaf. 6 membres APRC soutenaient SD dans son litige retraite portant sur 36 trimestres (15 ans d’activité dans la collectivité Points-Cœur). Joseph A, mandaté, assurait sa défense.

L’appel des causes dura une demi-heure ; j’ai noté une affaire contre une CPAM de Haute-Savoie, 10 contre des CPAM de l’Ain, 8 contre des CPAM et l’Urssaf du département du Rhône, enfin le cas de SD. Quatre affaires ont été reportées au 9 janvier 2023. Le juge, président du tribunal, s’est montré patient, attentif aux observations des avocats ou de leur client, acceptant même d’entendre certains qui n’étaient pas au clair avec le processus judiciaire.

À 9 heures 30, un avocat présenta son affaire ; le chargé juridique de cette CPAM clarifia les points litigieux ; à 9h 40, le juge fixait le jugement de ce cas au 9 janvier, tandis que Joseph était debout non loin de la barre. Il eut un signe positif pour une plaidoirie immédiate. Il l’avait soigneusement préparée, mais aussi répétée. Au niveau de la forme, son débit avait un rythme adapté, s’attardant sur les invraisemblances adverses avec des gestes mesurés et appropriés. Il a su jouer des silences pour que le tribunal et la salle suivent bien ses 25 minutes de prise de parole. Furent percutantes la mise en cause de l’avis la commission consultative de la Cavimac (sur la forme et sur le fond), mais aussi le fait que la Cavimac et Points-Cœur ont engagé sciemment leur responsabilité. Il a notamment souligné l’aspect discriminatoire de l’affiliation de SD, alors que d’autres membres de Points-Cœur, les prêtres, étaient affiliés pour raison purement religieuse. Cette démonstration était appuyée concrètement sur quelques pièces remises aux juges et commentées. Il a précisé ensuite, avec arguments, les indemnités réclamées pour les préjudices d’absence de cotisations, de résistance abusive à l’application de la loi civile et de dégradation de la qualité de vie.

L’avocat de Points-Cœur, accompagné d’une stagiaire nouvellement embauchée au cabinet Delsol, avait pris le temps de travailler son dossier et a posé aussitôt les textes de droit, qui, à son sens, justifiaient le refus d’affiliation de SD. Ensuite il a exploité des détails, sortis de leur contexte, pour dire que Points-Cœur ne pouvait pas être une collectivité religieuse et que SD n’avait pas une activité cultuelle : sa pièce 49 montre qu’au Sénégal, elle a dansé et joué avec les enfants, fait le marché, etc. ; l’assurance Allianz, ayant encaissé des participations, lui garantissait une couverture sociale retraite. Sa plaidoirie bien conduite et audible a duré 10 minutes.

L’avocate de la Cavimac, a été beaucoup plus floue et s’est empêtrée dans la loi 1905 protégeant les collectivités religieuses et leurs membres. Selon elle, SD n’était pas membre de collectivité religieuse, mais une laïque bénévole. La caisse n’était donc pas concernée par son cas.

En fin de plaidoirie, Joseph et les avocats ont remis un dossier complet au juge président qui a annoncé le rendu du jugement pour le 9 janvier 2023. Il était 10 heures 22. L’impatience des autres avocats, de plus en plus manifestée par des soupirs et des allées et venues, a été tempérée (un ouf non-dit !).

Au sortir de la salle d’audience, Joseph et moi avons eu une conversation courtoise avec les avocats adverses sur le travail qu’a demandé cette affaire et sur les bases de nos convictions divergentes. On a appris que l’avocat de Points-Cœur avait reçu une formation en droit public et canonique, dispensée par Me TAWIL, docteur en ces matières. Il faut noter que ce dernier a participé à la défense de l’épiscopat devant le Conseil d’État. J’ai pu lui dire que son mémoire pour défendre le règlement intérieur de1989 ne lui avait pas permis de gagner au conseil d’état. L’avocat l’ignorait. On ne tire pas gloriole de ses échecs…

Plus tard : temps de débriefing entre “aprcistes” et partage du repas. Impressions partagées : le job a été bien fait.

Ce travail d’équipe dont Joseph est leader, stimule (et voudrait susciter une relève). Il montre comment se bâtit l’action en justice pour dénoncer les déviances, souvent subtiles, en matière de protection sociale. Chacune et chacun pouvant à son tour informer dans ses réseaux.

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