C’était il y a un an…

Samedi 6 novembre 2021, à Lourdes, KTO filme et diffuse en direct « le temps mémoriel et le temps de repentance » ; programme concerté entre les évêques et des victimes, qui représente plus d’une heure de cérémonie sans apparats liturgiques. Les résumés télévisuels des chaines nationales, rapprochent trois épisodes : la photo de l’enfant en larmes placardée sur un mur de l’hémicycle ayant accueilli « l’assemblée plénière », celle du représentant des diocèses de France agenouillé au pied d'une croix sans Jésus, celle d’un vieil homme s’étant introduit subrepticement pour proclamer haut et fort que cette repentance était  “du pipeau”.

 

De cette trilogie, ma mémoire n’avait retenu que les extraits des journaux télévisés : la victime, sous les traits du jeune garçon en larmes, exposée sur le grand tableau, le Président de la Conférence des évêques, agenouillé, seul, sur la troisième marche menant au parvis de la Basilique du Rosaire, ses confrères et les supérieurs de congrégations religieuses en retrait, l'accompagnant dans ce moment de repentir. Je chercherai en vain dans le film de KTO, la victime aujourd'hui adulte, qui voulait prendre la parole au milieu et au sein de cet aréopage hiérarchique, loin de la figure angélique qu'il pouvait avoir été des décennies plus tôt. Pourtant une caméra des médias avait capté avec avidité, l'inattendu, le disruptif : la victime de soixante cinq après, que l'on s’apprêtait  à qualifier  de “dérangé”. Il dérangeait la prière. Avec douceur et diplomatie, la Présidente de la Conférence des religieux et religieuses français (Corref), avait éconduit le vieil homme car le témoignage d'autres adultes, programmés ceux-là pour la cérémonie, avaient déjà dit ce que lui-même pourrait dire. Le spectacle devait rester sans polémique ni agressivité. Malaise cependant que cette incursion d'une victime devenue adulte, vieillard qui plus est... Comment un traumatisme peut-il durer jusqu'au seuil de la mort ? Malaise, quelques jours après, lorsque la Corref mettra en avant un autre tabou : les viols de religieuses. Les traumatismes ne sont pas « du passé » ; les traumatismes sont toujours présents, lancinants… ils continueront d'exister jusqu’au dernier souffle des victimes.

 

Un mois après l’épisode de Lourdes (novembre 2021), dans les églises et à leur sortie, les cathos ne voulaient plus qu'on en parle : « c’était la responsabilité de quelques brebis galeuses, ce n'est pas la chrétienté ; les victimes ont été reconnues ». Les diocèses ont trouvé les filons d'indemnisation. L'Assemblée plénière des évêques de France du printemps 2021 avait minimisé la vague de fond ; celle de l'automne venait d’être confrontée à un tsunami. Mais pour les cathos voulant tourner la page, « la hiérarchie avait pris toutes les dispositions de prévention et réparation. Au fil des mois les « choses » allaient pouvoir être circonscrites, toutes les victimes d'abus sexuels n’allaient pas quémander une indemnisation » ; quant aux autres victimes on allait pouvoir continuer à les tenir à distance...

 

Notre association est partie prenante de tout ce qui touche les victimes de l’Église catholique, des sectes et spiritualités dans leur diversité y compris à l’intérieur des cultes qui se proclament « reconnus ». Sa spécialité est cependant concentrée sur le devenir « retraite » de toutes celles et de tous ceux qui sont ou ont été ministres du culte ou membres d’une collectivité religieuse. Pour tous nous défendons les droits à pension issus de ce passé cultuel.

 

Au vieil homme proclamant haut et fort que la repentance était  “du pipeau”, nous sommes bien obligés de dire et redire « combien tu as raison ! ». Des centaines de jugements et arrêts ont eu lieu contre la Cavimac managée par le culte catholique, celui-ci promet de ne plus recommencer… mais se garde bien de réparer spontanément les erreurs commises

 

Jean Doussal

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