De l’état clérical à la condition laïque

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Une aventure de naissance à soi-même

« Il n’est pas d’événement plus bouleversant, dans une vie, que la naissance à soi-même », écrit dans l’un de ses journaux l’écrivain Charles Juliet. C’est exactement ce dont témoigne avec une rare authenticité Pierre Lebonnois dans son livre qui vient de paraître, sans qu’il ait pu le voir puisqu’il est décédé en octobre 2020. Pour lui, ce fut un lent, malaisé et laborieux travail intérieur de vingt-cinq années, guidé cependant par une exigence intime d’intégrité et un refus de mensonge à lui-même.

Le récit de la longue métamorphose

Son écrit n’est pas une dissertation impersonnelle sur la vie spirituelle. « Il me semble que ce que j’ai écrit ici touche au fond des choses et que les mots sont au plus près des actes », dit-il en conclusion de son livre. Ces mots sur son itinéraire humain et chrétien sont en effet écrits, avec son sang et ses larmes mêlés à sa force intime. Les deux adjectifs humain et chrétien se confondent même pour lui, du fait qu’il lui était impossible d’envisager d’être chrétien sans devenir humain et que la figure d’humanité qui le tirait en avant était celle de Jésus.

Sa métamorphose dure vingt-cinq ans après son ordination en 1968. Devenu prêtre, il réalise vite qu’il est enserré dans la coque isolante de sa cléricature comme la larve l’est dans la coque de la chrysalide par des fils solides. Au fil des années l’appel intérieur à rejoindre le grand large de la vie ordinaire le presse, voire le submerge. De son propre chef, à 41 ans, il met fin à sa tâche ecclésiastique. Il entame et réussit la formation diplômante d’infirmier d’État, mais c’est un soir d’octobre 1993 seulement qu’il décide de quitter définitivement l’état clérical. Il devient infirmier dans un centre d’handicapés mentaux. « S’il est vrai qu’il y a un chemin dans l’existence, il n’est pas possible qu’il soit à chercher ailleurs que dans l’humble route d’humanité, et selon une démarche intérieure de type nécessairement "ascendant" de bas en haut. La foi ne saurait en aucun cas prendre ailleurs sa source, car une parole de foi sera toujours une parole d’homme ». Surgit enfin dans sa vie en 1998, « la délicieuse Monique ».

Disciple de Jésus, loin toutefois d’une religion dogmatique

Inspiré notamment par la démarche de Marcel Légaut et de Eugen Drewermann, Pierre demeure très attaché à la voie de Jésus de Nazareth. « J’ai toujours ressenti un attrait pour une vie selon l’évangile, qui aurait été accessible à tout un chacun ». « Me voici donc muni de cette conviction que le point de départ se trouve dans l’intériorité c’est-à-dire dans la prise de conscience de soi, dans l’approfondissement par chacun de ce qui constitue le cœur de sa vie ». « N’est-ce pas là le véritable terrain de la Voie chrétienne ? »

Ces perspectives, Pierre les développe en annexe dans trois textes très personnels, écrits entre 1988 et 2008, On y retrouvera la profondeur de sa pensée et son souci de droiture et de cohérence. Ces réflexions peuvent interroger chacun d’entre nous.

Jacques Musset