La pension minimale à 1200 € : mirage ou réalité ?

C’est la mesure « vitrine » du gouvernement, celle par laquelle le Président de la République , relayé par la 1ère Ministre, tente de « vendre » sa réforme des retraites, comme une réforme de justice sociale et de faire avaler la pilule du recul de l’âge de départ à 64 ans.

Une pension minimale à 1.200 euros pour une carrière complète au Smic, en soi, l’argument est séduisant. D’autant que le projet initial qui ne devait concerner que les futurs retraités, finalement, sous la pression de la droite, concernera aussi les retraités actuels. En réalité, la mesure n’est pas inédite. Elle figurait déjà, il y a 20 ans, en 2003, dans la loi Fillon de réforme des retraites (1 lire en bas du texte). Toutefois, comme le signale Guillaume Jacquot sur le site « Public Sénat », cette mesure est en passe de devenir «l’un des plus gros malentendus de la réforme des retraites » et même « risque bien de n’être qu’un mirage pour des millions de retraités modestes »(2 le lien ici).

En effet, il faut savoir que derrière l’annonce en apparence alléchante pour les petites retraites, se cache un tour de passe-passe. Les 1.200 euros promis désignent un montant brut et non pas net. Et il s’agit du montant total des pensions versé à un assuré « tous régimes confondus » (régimes de base et complémentaires). Le mécanisme choisi pour atteindre cet objectif consiste en une revalorisation du Minimum Contributif (MICO) majoré qui serait augmenté de 100 euros. Au lieu d’être indexé sur l’inflation (ce qui explique que la promesse de la réforme Fillon n’a jamais été tenue), le MICO serait désormais indexé sur les salaires. A cela, il faut ajouter les conditions doublement restrictives imposées dans le projet de loi pour bénéficier de cette mesure : avoir validé une carrière complète cotisée sur la base du Smic. Et au final, concernant les retraités actuels, même la CNAV, par la bouche de son directeur Renaud Villard, reconnait être incapable aujourd’hui de prédire combien d’assurés toucheront la pension de 1.200 euros ! Et côté gouvernement, les rodomontades de Gabriel Attal, ministre des comptes publics, n’arrivent pas à effacer l’embarras du ministre du Travail, Olivier Dussopt, obligé de reconnaitre que même avec une carrière complète, des salariés ayant beaucoup travaillé à temps partiel resteront en-deçà des 1.200 euros.

Une note publiée ce 9 février par l’Institut des politiques publiques (IPP) décortique le mécanisme mis en place pour revaloriser les petites pensions et en montre les limites (3 lien ici).

Des limites et des incohérences qui ne sont pas passées inaperçues des députés de l’opposition lors de l’examen du PLRFSS 2023 à l’Assemblée Nationale.

Conscients que le texte, en l’état actuel, exclut de fait de nombreuses catégories (femmes aux carrières hachées, travailleurs indépendants, personnes handicapées, précaires, travailleurs à temps partiel imposé, agriculteurs, etc.) ils n’ont pas manqué de déposer un certain nombre d’amendements sur l’article 10, dans le but de corriger ces injustices. Ces amendements n’ont pas été recalés au motif de l’article 40, mais ont été inscrits à l’ordre du jour comme amendements « à discuter ».

C’est ce qui a conduit l’APRC à entamer une démarche auprès des parlementaires, comme nous l’avons fait par le passé à l’occasion des différents PLFSS. Nous avons soumis une proposition d’amendement visant à ouvrir l’accès de ce dispositif aux retraités ressortissants de la Cavimac, spécialement celles et ceux qui ont choisi de quitter les institutions cultuelles, particulièrement pénalisés pour leur retraite. Des adhérents participent à cette action en sollicitant leurs parlementaires locaux. D’autres s’y refusent en raison de leur opposition à la réforme. Je comprends et respecte ce choix. Pour ma part, j’assume cette contradiction, considérant que c’est à la mobilisation sociale, à laquelle je participe, qu’il appartient de faire reculer le gouvernement. Le rôle des parlementaires est de débattre et d’amender le texte pour le rendre plus conforme aux exigences de justice sociale. J’observe, à ce propos, qu’à l’Assemblée, la Nupes a retiré, ce lundi soir, un millier d’amendements dans l’objectif de pouvoir avant la fin de la semaine de débattre de l’article 7 (sur le report de l’âge à 64 ans). Toutefois, cela risque de ne pas suffire pour que l’Assemblée ait le temps d’examiner l’article 10. Les choses vont donc se jouer au Sénat. Sachant que si le texte n’a pas pu être entièrement examiné, c’est le texte initial qui servira de base aux débats des sénateurs. Restons conscients que si, à l’issue de la navette parlementaire, l’Assemblée et le Sénat ne sont pas parvenus à un accord sur le même texte, le président de la république a les moyens constitutionnels de promulguer son texte de loi. La fenêtre de tir est mince, mais nous aurions tort de ne pas nous en servir pour qu’un des objectifs pour lequel l’APRC se bat depuis des années, une amélioration – même modeste - des retraites des AMC déjà pensionnés, cesse d’être un mirage et devienne peut-être une réalité.

 

 

Michel NEBOUT

Signalons qu’un article de Notre Temps répond aux questions nombreuses que se posent des assurés sur la mesure des 1.200 euros de pension minimale

 

(1) « La Nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu’il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance. » (article 4 de la loi).

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