Les « offrandes » cumulées des diocèses

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En termes de pouvoir d’achat, les recettes diminuent, tandis que les dépenses augmentent. Les déficits sont comblés par les cessions mobilières et immobilières. Le traitement des prêtres, reste garanti, mais les laïcs « en mission ecclésiale » sont licenciés ou leurs contrats « salarié » ne sont pas renouvelés, mais remplacés par des « contrats de bénévolat »¸ cet article traduit en pouvoir d’achat constant ces recettes depuis 1998.

1) Les éléments de langage

Pour faire croire que « tout va bien, Madame la Marquise », les financiers de la Conférence des évêques et des diocèses se gardent bien de présenter les chiffres sur période longue et en pouvoir d’achat constant.

Les offrandes de Messes tournent en euros courants autour des 52 M€. Mais analyser, en pouvoir d’achat constant, la baisse est significative depuis 2003 : de 77 M€ on descend à 54M€ malgré l’augmentation des « tarifs » : premier indice que le « sacramentel » se porte moins bien sûr période longue. Plus tendancieux est ce qui est dit du casuel (à savoir les offrandes à l’occasion des baptêmes, des mariages et… des obsèques) : « les deux autres sources de revenus sont les offrandes de messe (- 4,6%) et le casuel versé pour les baptêmes, mariages (+6,4%) » ! … On nous fait « avaler » que le « casuel » est en augmentation grâce aux jeunes cathos, sans tenir des baisses réelles ni des rattrapages après la période covid 19. Ici encore, vu en pouvoir d’achat constant depuis 2003 (90 M€) (malgré les hausses importantes de tarifs au cours des années), on stagne à (84 M€) signe d’un moindre recours au « sacramentel » au fur des années.

À propos des quêtes, le journal La Croix a contacté la CEF et sa journaliste écrit : « Une ligne budgétaire a connu une augmentation de 12 millions d’euros, soit 4,2 %, en 2022. '’Cette hausse pourrait notamment s’expliquer par le développement des paniers de quête connectés, les montants moyens des dons versés par carte bancaire étant supérieurs aux dons moyens en espèces (1)’’, constate-t-on à la CEF ». Ici encore, une vérité relative qui aurait dû être un peu plus approfondie : certes, le panier de quêtes « connecté » explique l’augmentation, mais il est loin d’être généralisé. Et il convient de se reporter à la chute des quêtes entre 2003 et 2007 de 268 M€, on était descendu à 175 M€ en quatre ans !… chiffre qui n’a pratiquement plus bougé ensuite en pouvoir d’achat constant, à savoir autour de 160 M€ sauf chute due au confinement 2020 covid 19. À ce stade, le constat est fondamentalement  la baisse de la pratique et du recours aux sacrements et sacramentaux.

Au reste, une autre donnée confirme l’abandon de la pratique : le denier de l’Église a progressivement pris une proportion plus importante dans l’ensemble des recettes dites offrandes des fidèles : de 36% en 2003, il est passé à 50% en 2022. Si la mobilisation des financiers de l’Église sur le denier, a d’abord été couronnée de succès de 2003 à 2011, passage de 188  M€ à 241€ en euros courants (mais cependant relatif en pouvoir d’achat constant, cf le tableau) les efforts se sont heurtés de 2011 à 2021 à un plafond de verre 252 M€. Sauf l’artifice comptable de 2022, que nous allons éclairer.

Suivant le communiqué de la CEF, le Denier de l’Église s’établit à « environ 300 millions » en 2022… mais bizarre… dans le communiqué, il est dit en baisse de 5% par rapport à 2021 « De fait, le fruit du « denier de l’Église » a connu une baisse de 5 % en 2022 par rapport à l’année précédente, avec une baisse continue du nombre de donateurs qui a atteint 6,4 % en 2022 » alors que le denier du culte 2021 s’était élevé 252 M€ ! Soit donc une hausse en 2022 et non une baisse.

L’explication est à chercher dans le paragraphe suivant : « En revanche, sur des budgets spécifiques (construction d’une église, JMJ…), les dons progressent, ce qui peut inciter à développer des appels aux dons ciblés. ‘’ Les campagnes de dons liées à ces projets spécifiques augmentent de 11 millions d’euros, soit + 14,6 %’’, indique la CEF. ». Mais alors quelle est l’astuce par rapport aux années antérieures ? La CEF a fait passer ces « dons spécifiques » dans la rubrique denier du culte défiscalisé (2). En clair, les financiers de la CEF passent désormais dans la ligne « denier de l’Église » tous les dons pouvant faire l’objet de reçus fiscaux, qu’ils soient pour le traitement des prêtres, les salaires des laïcs, les dons pour les réparations d’églises, JMJ, etc.

La comparaison de l’évolution des chiffres du denier de l’Église depuis 1998 en pouvoir d’achat constant fait apparaitre une réelle progression de 1998 à 2011, mais une stabilisation ensuite. L’astuce comptable, à savoir le transfert des dons spécifiques dans cette rubrique, sert à cacher la réalité moins rose : à la fois la baisse du denier de l’Église en tant que tel et l’effondrement des donateurs, y compris en montants versés . « Alors que les dépenses continuent à augmenter » Ici encore, une contre-vérité est énoncée : la cause serait les augmentations de chauffage, mais celles-ci ne furent que partielles en 2022… voire inexistantes en raison d’une fin d’année clémente… et des efforts de tous pour baisser la consommation de 10% !

2) La réalité de difficultés qui ne font que croitre

Le communiqué de presse du 13 décembre 2023 déplore la baisse des donateurs. Celle-ci doit être davantage éclairée : il ne s’agit pas seulement des 50 000 perdus entre 2021 et 2022. En 2007, les diocèses comptaient un million 1,440 donateurs au denier de l’Église ; ils n’étaient plus que 813 000 en 2022, dans une tendance lourde et constante, sans véritable espoir de reconquête…

Certes, une autre recette s’est imposée comme régulière, les dons et legs, 134 millions en 2022… mais les placements financiers servant à combler les déficits ne suffiront bientôt plus… Quant aux ventes d’immeubles, certains peuvent encore l’être… mais ils sont plutôt du côté des congrégations religieuses et communautés nouvelles qui gardent jalousement pour elles et leurs membres leur pécule tout en recherchant régulièrement le label catho venant des évêques. Dans les diocèses, les prêtres sont préservés, mais la variable d’ajustement se trouve du côté des laïcs en mission ecclésiale où les contrats salariés sont remplacés par des contrats de bénévolat… L’ouvrier a droit a son salaire… c’est de moins en moins vrai dans les diocèses de France au risque de contentieux à venir devant les Conseils de prud’hommes et les tribunaux de la Sécurité sociale.

Dès lors, que penser des « spots » télévisuels diffusés du 22 au 30 décembre 2023 : on y découvre le prêtre Bertrand Auville ouvrant l’église construite après 1905, donc entièrement à la charge du diocèse de Nanterre, il fait valoir que ce n’est pas le traitement des prêtres (900€) qui coûte cher, mais l’immobilier d’église et les actes de charité, il présente le panier de quête permettant le paiement par carte bancaire avec cette affirmation : « ce ne sont pas les quêtes qui baissent, mais le denier de l’Église ». La suite du spot donne la parole à de jeunes cathos : ils reconnaissent la nécessité des dons, car l’électricité et le chauffage ont beaucoup augmenté, mais leur difficulté personnelle à faire un don. À son tour, une pratiquante retraitée laisse entendre que malgré sa petite pension, elle donne au mieux. La secrétaire adjointe de la CEF conclut pour redire que l’Église ne reçoit rien de l’État, et déplorer la perte de 50 000 donateurs : sur cinq millions de catholiques, seulement 15% versent au Denier de l’Église. En conclusion, à vous les jeunes de participer au denier…(3)

Au titre de la vérité de ce spot télévisuel, le donateur que je reste, est abasourdi : une généralité est faite à partir d’une paroisse d’Île-de-France. Comment croire qu’un prêtre ne vit qu’avec 900€ notamment en région parisienne sans faire état de tous les avantages en nature et remboursements de frais qu’il a par ailleurs ! Dire que ce sont les œuvres de charité et le chauffage électricité qui plombent les comptes des diocèses en 2022 ne relève pas de l’honnête intellectuelle : les œuvres de charité sont dans différentes institutions labellisées cathos, mais pas dans les comptes des diocèses, pour la facture chauffage, voir plus haut.

Jean Doussal, janvier 2024

(1) La-croix.com/religion :
- L’Église catholique appelle aux dons, avec pour la première fois une campagne TV
- Église catholique en France : à quoi servent les dons des fidèles ?

(2) 13/12/2023 - Une manière par ailleurs de récupérer la quote part que les diocèses doivent verser aux services de la conférence des évêques de France sur des dons qui jusque-là étaient intégralement laissés aux diocèses

(3) Denier-du-culte-en-baisse-l-eglise-lance-une-campagne-d-appel-aux-dons-inedite