Lettre ouverte à Radio Notre Dame

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Léon et Marie-Thérèse Lepan, invités à réagir à la fusion de la RCF et Radio Notre Dame, exposent à la fois leur qualité d’auditeurs, et leurs réactions à propos des propos tenus sur le personnel « laïc » dans les services des diocèses. Ils apportent un témoignage concret et circonstancié, aux conséquences de ces « missions », sur les retraites futures des salariés à mi-temps ou des bénévoles. (JD)

De RCF à Radio Notre Dame

Bonjour Madame,

Mon antenne locale d'Annecy m'a communiqué votre adresse pour faire connaitre mon sentiment après la fusion. Habitué aux émissions et à l'esprit de RCF, je remarque un assez grand décalage avec l'esprit de radio Notre Dame. Si RCF se situait, à mon sens dans une bonne catholicité de chez nous, marqué par la vivacité de l'esprit lyonnais, sans cependant afficher trop de nouveauté, je découvre une radio NOTRE DAME sentant bon le passé ! Le ton est souvent « pieusard », la théologie bien ancrée sur le concile de Trente et le catéchisme officiel et une ouverture au monde fort restreinte.

Pour illustrer mon propos, j'ai entendu le 12 octobre, je crois, une intervention surprenante : il s'agissait de la présence de plus en plus obligée de personnel « laïc » dans les services des diocèses. Ces personnes prétendaient se réclamer du droit du travail et bénéficier des droits attenants : santé, retraite... Suivant la teneur des propos : on avait à faire à des gens ayant perdu tout sens de la gratuité et peu enclins au martyre...

Le Cardinal SAHRA venait bien à point pour confirmer cet avis… Or, il se trouve qu'à l'exception de quelques rares cas de personnes fortunées, les fidèles qui s'engagent dans ces services, qu'ils soient célibataires ou chargés de famille, ne vivent pas de l'air du temps, et qu'ils ont le devoir de prévoir leur vieillesse. Connait-on la détresse des personnes ayant travaillé toute leur vie au service de l'institution et se découvrant sans droits à la retraite, car leur employeur - souvent d'Église - n'a pas versé de cotisations ?...

Voilà de quoi nuancer le propos diffusé... Derrière la situation du manque de prêtres qui cause cet afflux de salariés, il conviendrait de reconsidérer la théologie de l'Église, du sacerdoce... Radio Notre Dame peut-elle ouvrir des voies vers cette tâche ?

En résumé, la fusion en cours tire en arrière une voie de l'Église qui devrait au contraire s'ouvrir au monde de ce jour. Vous souhaitant bonne réception, je vais m'efforcer de vous rester fidèle encore un temps.

Le salariat du personnel laïc à nouveau débattu, le 19 octobre

Mais voilà que ce 19 octobre, j'entends à nouveau une expression au sujet des salariés de l’Église, institution : ils seraient des personnes vénales, incapables de toute générosité... Et cette fois-ci, c'est saint Paul qui vient à la rescousse, suivi du Cardinal SAHRA.

D'abord, nous sommes dans un contexte bien différent. Ensuite, les successeurs de saint Paul semblent avoir assez vite cessé de travailler de leurs mains, et quand les évêques ont remplacé les consuls romains, après l'empereur Constantin, ils ont joui d'une situation sans doute confortable.

Aujourd'hui, le chroniqueur qui s'en prend aux salariés en question connait peut-être une situation financière assez confortable pour travailler gratis pro Déo. et Notre bon Cardinal SAHRA n'est pas connu pour assurer sa subsistance en travaillant de ses mains, ni la cohorte des cardinaux de la curie qui bénéficient de grands appartements au Vatican... Laissons cette référence à saint Paul et considérons le problème posé par votre chroniqueur :

Devons-nous revenir au 19ᵉ siècle où les notables fortunés soutenaient les bonnes œuvres des paroisses et laissaient leurs épouses s'occuper des pauvres et tenir l'ouvroir... Une part des pratiquants actuels tiennent-ils à ce qu'on en revienne à ce mode de fonctionnement en réservant les services à la communauté, aux personnes fortunées ? Si oui, votre antenne doit-elle accompagner ce courant ?

Exposé d’un cas concret et vécu

Par ailleurs, avez-vous une idée de ce que deviennent, à la fin de leur vie, les personnes qui ont gratuitement travaillé pour une paroisse, ou une communauté, ou un institut plus ou moins spirituel et se rendent, compte au moment de prendre leur retraite, que l'entité qu'ils avaient servie n'avait jamais versé de cotisation pour leur vieillesse...

Si vous souhaitez faire un sujet sur ces réalités, je peux vous procurer des éléments d'information. En vous priant de me pardonner d'être long, voici en illustration un cas concret, le nôtre. Quand nos trois enfants étaient petits, mon épouse et une amie du quartier qui avait des enfants du même âge ont lancé un groupe d'éducation chrétienne des tout petits. Puis des clubs d'action catholique des enfants.

Elles ont animé ces services bénévolement, bien sûr, en lien avec d'autres clubs de l'agglomération et des campagnes voisines. Après quelques années s'est révélé le besoin d'un accompagnement de ce mouvement — faute — d'aumônier.

Il a, alors, été demandé à mon épouse de s'engager pour ce service. Il comprendrait des rencontres de formation et d'animation de responsables, des préparations de rassemblements, de récollections, et cela, pour l'ensemble du département. À quoi s'est bientôt ajouté des déplacements à Paris pour participer à la rédaction des bulletins de formation pour les responsables de club...

Il a été décidé de lui accorder un salaire à mi-temps dont elle s'est accommodée durant quelques années. Mais il s'est avéré que ce mi-temps de salaire ne correspondait ni à l'ampleur de la tâche ni aux besoins de revenus de notre famille et nos devions emprunter pour joindre les deux bouts... car pour ma part, je ne percevais qu'un salaire d'O.S. étant employé d'usine.

Par la suite, les enfants arrivant au niveau des études loin de la famille, la situation est devenue très tendue ; ce n'était pas le martyre comme l'évoque votre chroniqueur, mais 'était très serré ! Un salaire à plein temps lui a été accordé.

Après dix années sa mission a pris fin, et elle s'est trouvée, à 50 ans, en devoir de se retrouver un emploi. Trois années difficiles se sont passées jusqu’à l'obtention d'un CDI. Nous percevons maintenant une modeste pension de retraite et n'avons jamais atteint le niveau de revenus imposable. Alors, s'il vous plait, merci de ne pas nous culpabiliser, par-dessus le marché…

Maintenant à la retraite. L'un comme l'autre, nous sommes bénévoles — elle dans une association qui vient en aide aux enfants immigrés et moi dans une association de malvoyants dont je suis.

Souhaitant être positif dans mon message, je vous assure de mes sentiments fraternels.

Léon Lepan. Annecy.

NB – Voila : si votre rédaction souhaite répondre à ce point de vue, je suis disponible, car l'orientation que semblent prendre vos antennes est inquiétante, porteurs que vous êtes d'un message qui engage l'avenir de la foi.