Silence de l’APRC sur les abus…

Il y a peu l’un d’entre nous s’exprimait ainsi : « Il me semble que les personnes n’ont pas été lésées uniquement pour leur retraite… Dans les institutions religieuses, nous avons été marqués par une éducation qui nous apporte des blessures de tout genre dans notre vie post-religieuse. Je regrette le silence de l’APRC sur ces problèmes. »… Ce jugement sur les activités de l’APRC est à la fois juste et injuste.

1) En quoi il peut être juste ?

De part son Histoire, l’APRC a été fondée pour l’intégration des membres d’institutions religieuses dans le régime de Sécurité sociale, les fondateurs et fondatrices étaient des personnalités « libérées », autour de la quarantaine. En majorité, ils n’avaient pas à priori conscience des conséquences de leur passé cultuel sur leur retraite future. Ce sont des amis restés en institution qui deviendront APSECC, qui en 1977 les alertent sur la loi en préparation : « si vous ne vous organisez pas vous-même pour la reconnaissance de vos droits, les diocèses et congrégations ne feront rien pour les partis ». Nous devons beaucoup aux fondateurs de l’APSECC : ils seront en pointe pour défendre l’intégration des prêtres et religieux religieuses au régime général… ce qu’ils ne parviendront pas, d’ailleurs, à faire…

Très vite notre association naissante sera amenée à faire feu de tout bois. D’un côté l’APSECC se perd un peu dans son slogan de départ, et s’adapte de fait à la situation créée : les diocèses et congrégations comblent, pour eux les restés, les anomalies d’une pension la plus faible de tous les régimes sociaux par un traitement au moins égal au SMIC, des séminaires et autres noviciats rénovés en maison de retraite pour leurs vieux jours avec un personnel laïc à leur service, des aides qu’ils peuvent demander à la Cavimac. De l’autre côté l’APRC va se trouver de plus en plus seule à prendre en charge celles et ceux qui ont quitté ou quittent. Les Caisses maladie et vieillesse issues de la loi du 2 janvier 1978, refusent de leur donner la parole, la CEF consent à des allocations en fonction des revenus qu’ils ont avec leur conjoint, les Conférences des religieux et religieuses versent un petit capital dans la Camavic pour financer une allocation aux ex congréganistes, aide subsistant aujourd’hui sous l’appellation d’allocation de ressources. Alors nos devanciers se sont battus constatant de plus en plus que s’investir dans le sujet « retraite » c’était une façon efficace de remédier aux « blessures de tout genre dans notre vie post-religieuse ».

2) Et donc en quoi le propos d’introduction peut être injuste ?

Injuste d’abord au niveau des fondateurs et surtout fondatrices. S’il a pu être vrai que les ex-diocésains ont pu avoir une relative indifférence à l’égard de ce qui se passait plus spécifiquement dans les congrégations religieuses et communautés nouvelles. Dès le départ des fondatrices ont représenté ces points de vue là. Problème il y avait plus d’ex diocésains, que d’ex-congréganistes, mais ces pionnières furent là, en région, en conseil d’administration, en assemblée générale jusqu'à conquérir deux présidences après l’année 2000.

Dans les années 1990, ces pionnières managent une enquête « les Femmes prennent la parole » révélant à la face des congrégations féminines les abus constatées : relue plus de vingt ans après, cette enquête est d’une actualité étonnante pour celles qui aujourd’hui décrivent les « blessures de tout genre dans notre vie post-religieuse ». Lorsque la relève est à l’œuvre au milieu des années 2000, c’est un  ex-congréganiste (pour une ex qui avait peur d’aller en procès) et quatre compagnes qui lancent l’action inédite de la validation des années de probation et noviciat. Ces procès qui seront gagnées vont les conduire à constater l’ampleur des non-affiliations à la Sécurité Sociale. L’APRC va alors se rapprocher des associations de victimes dans les communautés dites « nouvelles », pour leur dire « lorsque vous réclamez justice, n’oubliez pas l’incidence du passé cultuel sur vos situations futures de retraité ». Aux pionnières de ces communautés qui par des actions judiciaires au pénal, ou au Conseils de Prud’hommes réclament justice, nous faisions valoir une autre voie celle des Tribunaux des affaires de Sécurité sociale.

3) En partenariat, avec les associations de victimes des dérives sectaires

Bien sûr, et nous le savons parfaitement par les témoignages que nous recevons régulièrement « les personnes n’ont pas été lésées uniquement pour leur retraite… ». L’ayant vécu par les témoignages de nos adhérents dès le départ et notamment par le travail d’enquête des années 90, nous étions prêts à travailler avec toutes les associations de victimes sans pour autant chercher à faire comme elles ou à concurrencer. Nous avons essayé régulièrement de tisser des liens, de faire valoir auprès d’elles, les dommages sur la « retraite future ». Ce partenariat est une réalité depuis à présent plus de quinze ans.

Nous sommes devenus spécialistes des actions judiciaires prenant en compte les conséquences d’un passé dans une institution religieuse sur tout la vie-post-religieuse… Lorsque devant le tribunal, nous faisons valoir les dommages… ceux-ci ne se limitent pas au sujet retraite : les faits rapportés par notre service juridique et les témoignages recueillis exposent toutes les blessures. Ceux et celles qui ont à préparer leur dossier sont amenés à évoquer tout cela. De même lorsque nous assistons ou conseillons des anciens d’institutions religieuses devant le Service aide médiation (SAM)de la CEF/Corref, nous ne parlons pas « que » du dommage retraite, les demandes formulées prennent en compte les conditions de sortie, et les réinsertions.

Voilà, pour avoir milité depuis longtemps à l’APRC, et pour avoir travaillé son Histoire, je crois sincèrement que si l’association doit garder son « objet social » particulier, ce cap a un gros avantage, il permet d’englober toutes les conséquences et tous les drames vécus par les « partis ». En ayant en ligne de mire les fins de carrières civiles et religieuses, on peut vraiment entendre et prendre en compte la totalité des blessures, et les exigences « de reconnaissance et réparation »

Jean Doussal

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