Une expérience au service de la justice qui marque…

...

Les bons copains dans la vie depuis le début des années 70, devenus des copains de l’APRC m’ont demandé de plaider auprès du Pôle Social du Tribunal judiciaire de Valenciennes pour défendre le dossier de Justine. Étonné certes, mais pourquoi pas accepter ce service !

Le pourquoi de mon intervention

Je me suis donc approprié des trois périodes successives de calcul des droits à la retraite de la Cavimac pour comprendre son relevé de carrière et le pourquoi de sa réclamation légitime pour les trimestres non validés par la Cavimac.

J’ai été largement aidé par Joseph dans ce travail de compréhension et d’appropriation qu’il avait traduit en conclusions.

Plus je découvrais le dossier de Justine, plus ma motivation à obtenir justice augmentait. Révulsé par les argumentations de la Cavimac mais aussi par l’attitude de la Congrégation en cause dont les conclusions rédigées par leur Avocat m’ont semblé hors sujet.

Si j’avais déjà plaidé auprès des Conseillers prudhommaux au cours de ma vie professionnelle comme Responsable du Personnel, intervenir au Tribunal Judiciaire reste impressionnant. J’ai pu bénéficier du temps d’imprégnation de l’atmosphère et du fonctionnement du tribunal lors des deux audiences pour lesquelles nous avions demandé le report, mais où notre présence était néanmoins obligée.

Nous avions ainsi pu voir comment réagissait la Juge aux différents plaidants dans les affaires précédant notre tour. Une magistrate humaine, réactive et recadrant fermement les propos déplacés sur son employeur d’une victime d’un accident du travail. Une bonne impression sur la personne en tout cas.

Une affaire qui surprend et étonne … la Juge

Lors de la première audience du 2 décembre 2022, à l’appel de notre affaire, la Présidente fut surprise de découvrir notre affaire : la Cavimac, surprise de découvrir l’existence de la Cavimac, « Je ne connais pas cette caisse de retraite ! » s’est-elle exclamée, puis des trois parties en présence, une caisse de retraite, une communauté religieuse, une demanderesse, qui plus est, défendue par une personne qui ne portait pas de robe d’Avocat « Qui êtes-vous ? », un représentant d’une association "l’APRC" ! « Que veut dire APRC ? » m’adresse-t-elle. Elle découvrait un monde nouveau dans sa juridiction des affaires sociales, une constellation surprenante de parties prenantes (Demanderesse, Cavimac, Congrégation, APRC).

Ni la Cavimac, ni la Congrégation n’étaient représentées. La demande de report était acquise pour eux.

A l’appel de notre affaire, lors de la seconde audience pour laquelle nous avions demandé un nouveau report faute d’avoir reçu les conclusions de la Congrégation, nous avons été surpris de découvrir l’avancée à la barre de la Juriste de la Cavimac réclamant avec beaucoup d’aplomb la tenue de l’audience. La Présidente a sollicité mon avis ; j’ai maintenu notre demande de report. La Présidente a alors argumenté auprès de la Juriste de la Cavimac le bien-fondé de sa décision de maintenir ce report. Une intervention qui m’a rassuré pour la suite de la procédure. Les imprévus peuvent me déstabiliser.

Une affaire qui surprend et étonne… des participants à l’audience…

L’aberration de la situation a été relevée par des participants à l’audience, lorsque Justine et moi-même sommes revenus à nos places dans la salle prendre nos manteaux.

Un rebondissement et… la réactivité de l’APRC…

Justine a reçu l’avant-veille du 14 avril, jour de l’audience où il était prévu de plaider enfin, les conclusions de l’Avocat de la Congrégation. Grâce à la réactivité de chacun et notamment de Joseph, un complément à nos conclusions a été rédigé, réfutant l’argumentation d’une quelconque prescription à la réclamation des droits de Justine sur les trimestres manquants antérieurs à ses vœux. Il faut retenir que le délai de prescription court à partir de la date de liquidation de la retraite.

A l’ouverture de l’audience, la Magistrate annonçait avoir bien reçu les conclusions de la Congrégation.

Aussitôt, je lui ai remis le complément à nos conclusions rédigées par Joseph. Document immédiatement versé au dossier. Très surpris de notre réactivité, la Juriste de la Cavimac, médusée, m’a immédiatement demandé le document, puis l’Avocat de la Congrégation s’est précipité sur moi pour prendre connaissance de notre réplique qu’il a immédiatement lue. Il me semble qu’il a dû y faire allusion à la fin de sa plaidoirie.

Une expérience humaine à vivre…

L’expérience nous apprend que le jour de l’audience, tout peut arriver, il y a place à nombre d’imprévus comme la demande d’énonciation de l’appellation « APRC » lors de ma première intervention, comme la demande des statuts dont j’avais copie en réserve dans mon dossier sur les bons conseils de Joseph.

Autre imprévu, une discussion relativement longue de la Juriste de la Cavimac avec la Greffière après l’audience. Comme le dit Joseph, les plaidoiries sont orales et uniquement en audience où chaque partie prenante entend la même chose au même moment. Une anomalie à empêcher à l’avenir.

La participation à ces deux matinées où il n’était pas prévu de plaider en raison de nos demandes de report, nous a permis, Justine et moi-même de s’imprégner de la culture de ce lieu de justice : de l’ambiance, les rôles de chacun, les attitudes à avoir, la place à prendre, etc. Une chance pour démystifier ce lieu impressionnant. Cela m’a aidé à me sentir relativement à l’aise lors de ma plaidoirie le 14 avril 2023.

Par contre, autre imprévu, j’ai dû gérer le risque que la Juge me demande d’abréger ma plaidoirie dans la mesure où les audiences avaient pris du retard dans la matinée et qu’elles reprenaient l’après-midi ; ce qu’elle avait fait lors des plaidoiries de l’affaire précédente.

Une surprise dans cette affaire : les deux rôles de l’Avocat de la Congrégation…

Justine nous a livré après l’audience que l’Avocat qui défend la Congrégation a confié sa fille handicapée à l’institution de la Congrégation d’une part, et que Justine a eu en charge cette enfant durant les diverses activités de l’institution d’autre part. Cette information m’a éclairé sur les deux interventions de l’Avocat auprès de Justine : celle avant l’audience, il est venu lui demander si elle avait trouvé du travail, et, après avoir argumenté des contre-vérités juridiques à propos de la prescription durant sa plaidoirie, il est revenu pour lui tenir un discours plein d’humanité avec grand sourire, lui souhaitant un "bon rebondissement" dans sa vie (ni Justine, ni moi-même nous nous souvenons des mots exacts).

Ce que je retiens de cette expérience :

  • L’injustice de la situation pour Justine,
  • La mauvaise foi des parties en défense comme la non-reconnaissance de la vie religieuse aux périodes de postulat et de noviciat, la négation du port de l’habit comme signe de vie religieuse, pour la Cavimac, la prescription des revendications des droits à la retraite avant la liquidation de la retraite pour la Congrégation,
  • L’effacement apparent des deux accesseurs. Mais je connais leur importance dans le délibéré qu’ils doivent préparer en relisant les conclusions et pièces des demandeurs et défendeurs.
  • La complexité de choses quand l’Avocat choisi par la Congrégation doit délégitimer les droits de celle qui s’est occupée de son enfant handicapée pour défendre l’Institution qui en a la charge.

Comment ça se passe…

Les audiences du Pôle social du Tribunal judiciaire ont lieu un jour par mois. La Magistrate appelle les affaires dans un ordre établi sur une liste existante heure par heure. La liste est affichée par ailleurs.

Elle vérifie en début de séquence horaire la présence des parties prenantes pour chaque affaire, entend les éventuelles demandes de reports et décide au cas par cas en conséquence des raisons évoquées.

Puis traite chaque affaire retenue en appelant les personnes à s’avancer à la barre (un pupitre où l’on peut poser son dossier). Les affaires doivent être plaidées et non lues, d’où l’intérêt de bien connaitre sa plaidoirie.

La demanderesse se tient debout sur le côté pendant que les Avocats de chacune des parties plaident à tour de rôle. Lors des affaires précédentes, on a vu la Juge questionner directement les demandeurs, victimes par rapport aux systèmes de protection sociale… sur les circonstances de l’accident du travail et sur les séquelles par exemple…

Dans notre affaire, la Magistrate n’a posé aucune question à Justine. Il faut se souvenir que les audiences avaient pris du retard sur les horaires prévus.

La Présidente m’a donc donné la parole en premier pour plaider la cause de Justine, puis ce fut le tour à la Juriste de la Cavimac et enfin celui de l’Avocat de la Congrégation.

Ensuite, la Greffière a proposé une date de rendu du jugement, date qui fut largement reculée au 25 août par la Présidente, estimant qu’elle avait besoin de temps pour juger notre affaire complexe.

Un jugement en notre faveur... qui ne satisfait pas le Cavimac …

Le Jugement est tombé fin août : le tribunal a validé les 11 trimestres en faveur de Justine et condamné la Cavimac au paiement de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Contre toute attente, la Cavimac a fait appel du jugement dès le 4 août 2023, soit une semaine après l’envoi du jugement. Nous l’avons appris lors de notre demande de certificat de non-appel fin octobre.

André RUCHOT

Membre de l’APRC de la Région Nord